Née à Paris, aux fleurs de mai 1935, habitante de toujours, j'ai consacré là, ma longue période d'activité.
Au gré, j'use de ma fidèle plume pour poétiser ou narrer comme ici : un Etat d'âme.
Mi allongée sur le fauteuil, dans la minute, l'esprit bloqué sur ce que m'annonce, très docte, ma dentiste:
- Dans l'état, il faut l'arracher !
Quoi ! Arracher ma dent ! Un trou dans la bouche, ah non !
- Il faut que l'on parle.
C'est tout ce que j'articule, me redressant en une sorte de refus.
Mais comment s'expliquer face à l'expérience la logique l'évidence ?
Comment dire ? Me prendre une part de moi-même, extraire de ma chair cette solidité. J'allais être dépossédée d'un bien propre, si petit soit-il, cela prenait d'énormes proportions.
C'était mon patrimoine qui allait être entamé, une vivante parcelle de mon corps allait disparaître. Je serais mutilée, estropiée, j'entrerais dans une irréversible phase de destruction.
Atterrée, j'entrevoyais une partie de mes racines, au bout d'une pince, jetée au rebus comme un vulgaire déchet.
Tant que l'on soignait, réparait, conservait, passe encore, mais là c'est l'engrenage, et après… D'abord un trou, suivi de quoi ? Cela se verra, et mon rire, mon sourire qui me vont si bien.
Dans l'œil de mon amie praticienne, je vois la compréhension, viennent alors les suggestions, l'explication du suivi.
« Réfléchissez » me dit-elle. Ce qui fut fait et bien fait.
Cela c'était hier, aujourd'hui je n'en suis plus là. Le temps faisant son œuvre, vinrent d'autres extractions, de toutes parts, ablations, réparations, prothèses, toujours subies bien sûr, avec un certain état d'âme, mais sans conteste facteurs de bien être et d'une meilleure qualité de vie.