« GYNEPSY,...je l'ai créé en 2003,…puis refondé en 2009 »
J'étais, depuis plusieurs années, le psychanalyste "Attaché au service" de Chirurgie gynécologique et sénologique de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, lorsque son Chef de service partit à la retraite. Ne voyant pas une suite possible à mon travail avec le nouveau Chef de service, je me suis également retiré.
J'avais assisté à beaucoup de choses concernant les femmes, cancers du sein, cancers du col et du corps de l'utérus, chirurgie mutilante, reconstruction mammaire par la chirurgie réparatrice et esthétique, IVG de toutes jeunes filles perdues dans leur malheur... Je m'étais alors promis de, comme l'on dit, "faire quelque chose" pour toutes ces femmes, jeunes ou moins jeunes, malmenées par la vie, la maladie, la violence des traitements, la violence morale aussi, ou psychologique, dans l'annonce, parfois sans ménagements, des diagnostics graves.
Libéré de toute obligation de réserve, j'ai alors fondé "GYNEPSY" dans ce but: accueillir, écouter et orienter toute femme en souffrance psychique.
*
Une femme conjugue le verbe « désiraimer ».
Les personnes du sexe, expression d’un classicisme aujourd’hui apparemment désuet, ce sont les femmes, pour autant que, n’arrivant pas à en être le sujet, elles sont sommées, par les hommes comme par les femmes elles-mêmes, d’avoir à en incarner et la place et l’objet. Comment le font-elles ? Par le truchement de la féminité, c’est-à-dire par l’art du semblant, puisque rien du féminin, au sens strict, ne peut être symbolisé au moyen du signifiant. Ainsi, ce qui est purement du féminin, échappe au phallus, au signifiant phallique, à l’inconscient.
Il y a cependant, au sein même de la problématique féminine, un vœu proprement féminin, un wunsch au sens freudien. Que désire, in fine, une femme ? Une réponse, au point où nous en sommes, c’est de dire – ce qui est simple, mais néanmoins rigoureux -, subjectiver l’insubjectivable. C’est la raison, paradoxale, pour laquelle une femme, plus qu’un homme est toujours poussée à conjuguer le verbe désiraimer, autre paradoxe, là où les hommes sont plus enclins à séparer le désir et l’amour. Vous savez qu’ils ne s’en sortent pas mieux…
L’ambition de l’association loi 1901 Gynépsy ne serait-elle pas de les soutenir, de les aider, de les accompagner, à tout le moins, dans cette tâche réputée impossible ?
*
La journaliste : « Je vous pose la question, Jean-Michel Louka : - qu’est-ce qui pourrait bien réunir, ou être un dénominateur commun, à ces phénomènes ou ces affections, ou encore ces préoccupations féminines, dont vous semblez ici vous occuper ? »
Jean-Michel Louka : « Vous voulez parler, au féminin, de ces « objets » très éclectiques, en apparence, du mal-être, de la dépression, de l’alcoolisme, de la boulimie, de l’anorexie, du tabagisme, des toxicomanies en général, mais aussi de certains jeux compulsifs, ou encore de cette maladie gynécologique que l’on appelle endométriose et sur laquelle j’ai longtemps travaillé, mais encore aussi, last but not least, de cet engouement pour le chirurgie esthétique, toutes affections qui engendrent de la souffrance psychique pour une femme ? »
La journaliste : « Exactement ! »
JML : « Eh bien, je dirais qu’il s’agit, à mon avis, de la question du corps pour une femme. De la question du corps, pour chaque femme, prise une par une dans ce questionnement.
L’image du corps. L’image, consciente et inconsciente, du corps.
On doit à Paul Ferdinand Schilder (1886-1940), psychiatre et psychanalyste américain d’avoir, le premier, employé ce terme : « image du corps » (body schema, schéma corporel). Il désigne ainsi une représentation, consciente et inconsciente, du corps dans l’espace (dans ses abords physiologique, libidinal et social).
Sans faire le moins du monde référence à Schilder, la psychanalyste lacanienne Françoise Dolto (1908-1988) a repris ce terme d’ « image du corps », en 1984. Elle y désigne, elle, « l’incarnation symbolique inconsciente du sujet désirant ». Mais c’est, pour elle, très nettement une représentation inconsciente du corps parfaitement distincte du schéma corporel qui ne serait, pour Dolto, qu’une représentation consciente, voire préconsciente.
C’est la raison pour laquelle nous avons fondé - et refondé récemment - GYNEPSY, qui ne fait que traiter, au fond, mais sous différents aspects symptomatiques de la souffrance psychique d’une femme, de cette question, perturbée, perturbante, au féminin, de : l’image inconsciente du corps. Sont là pour en témoigner, les trois consultations d’accueil, d’écoute et d’orientation, à Paris, sous 48 heures, proposées aux femmes et animées par des psychanalystes et des psychologues cliniciens.
***
Paris, le 1er avril 2010