Le préjugé de la supériorité masculine prend sa source dans les rapports de pouvoir au sein de la famille. Comment les deux parents gèrent-ils les tâches familiales ? Qui fait quoi ? Qui décide ? Les rapports inégalitaires entre homme et femme apparaissent dans le système familial, le plus souvent de type patriarcal. Ils privilégient les garçons, présentent comme évidente la répartition des rôles entre les parents et limitent l’accès des femmes à ce qui est présenté comme leur domaine : le soin de la famille, des enfants et des personnes âgées. L’activité professionnelle des femmes a changé la donne ainsi que le contrôle des naissances devenu possible. Mais le travail de l’homme reste privilégié socialement, d’où le plafond de verre des rémunérations et des responsabilités que rencontrent les femmes pourtant plus éduquées et instruites désormais que les hommes.

Comment changer cela dans nos sociétés ? Les mentalités résistent. Si l’on doit éduquer à l’égalité, ce doit être dès l’école primaire, monde auquel accède les enfants au sortir de l’influence familiale. C’est là qu’ils vont trouver d’autres modèles auxquels ils adhèreront plus ou moins selon la qualité de ce qu’on leur apportera.
Il faut être bien conscient que l’égalité n’est pas un contenu qu’on enseigne mais un processus qu’on reproduit à partir de modèles : si les enseignants montrent dans leur relation avec leur élèves qu’ils les respectent et considèrent à égalité filles et garçons, ils ont une chance de les influencer dans le bon sens. S’ils interviennent chaque fois que les préjugés montrent le bout de l’oreille et mettent en évidence la présence d’un stéréotype, ils apprennent aux enfants à les identifier. Mais s’ils n’ont pas conscience du problème, ils perpétueront le modèle traditionnel qui est machiste.

Comment fait-on concrètement ce type de travail ? En pratiquant les régulations de groupe dans la classe. Ce sont des moments où l’on parle de ce qui va et de ce qui ne va pas, de ses sentiments, de ses souhaits. J’ai souvent vu dans mon métier d’inspectrice des moments de prise de parole institutionnalisés en classe : Un temps limité y est consacré. Il y a des règles : on demande à parler ; on vous remet alors le « bâton de parole » comme si c’était un micro. Il signale qu’on a la parole ; on dit ce qu’on a envie de dire : demande, commentaire, sentiment personnel . On ne coupe pas la parole aux autres. On les écoute. L’enseignant fait respecter les règles. Il est le garant du processus. Il conclut en valorisant le processus et les élèves qui s’y sont prêtés. Tout cela se fait dans un esprit de bienveillance. On y apprend à s’exprimer, à comprendre les autres, à écouter.

Comment se former à ce type de travail ? La formation concerne l’animation des groupes. Ce n’est pas directement de la pédagogie. La pédagogie est l’art de transmettre des contenus en tenant compte des apprenants. L’animation des groupes est l’art de créer les conditions de la parole dans un groupe. S’exprimer n’est pas n’importe quel travail. Cela demande des compétences, certes, mais surtout un climat favorable. On apprend à créer ce climat dans les groupes de développement personnel. L’analyse transactionnelle est un bon outil pour repérer la forme des échanges, leur sens, leur efficacité et pour anticiper les difficultés dues aux préjugés ou aux circonstances particulières.

Pour éduquer filles et garçons à l’égalité, il serait bon de proposer aux enseignants qui le souhaitent une formation à l’animation des groupes de parole, à l’intention des plus jeunes puis des adolescents. Cette manière de procéder développe les pratiques démocratiques, les nourrit et s’en nourrit. Dans le monde de l’éducation, beaucoup de personnes ont acquis cette compétence. Encore faut-il la valoriser et la proposer. Elle servira toute la vie dans les groupes d’adultes également.


Agnès Le Guernic