En cas de difficulté, chacun a spontanément tendance à s’attribuer la responsabilité de ce qui ne va pas ou de l’attribuer à quelqu’un d’autre, un proche de préférence : « C’est de ma faute ! » dit l’un ; « C’est de ta faute, dit l’autre ».
Cela s’applique aux petites choses comme aux grandes. Prenons qu’il se produise une inondation dans la salle de bains. Certains diront tout de suite: « Qu’est ce que tu as encore fait ? » et d’autres « J’ai du oublier de fermer le robinet ! C’est bien moi ! ». Dans un autre registre, quand un enfant fait une bêtise, sa mère se dit sous l’effet de la colère : « Il n’y a vraiment rien à en tirer ! ». Une autre mère se dira : « Qu’est ce que j’ai manqué dans son éducation ? ».
Dans le langage de l’analyse transactionnelle, on dira dans le premier cas que la mère, dans sa relation avec son enfant est dans la position : « Moi, je suis OK – Toi, tu n’es pas OK » (position OK+/OK -) Et dans le second qu’elle est dans la position : « Moi, je ne suis pas OK – toi, tu es OK » (position OK-/OK +).
Les signes négatifs (-) et positif (+) symbolisent la perception négative ou positive que chacune a d’abord de soi puis de l’autre. OK se prononce OKE à l’américaine.
Ces deux attitudes face aux difficultés sont des réactions de défense face au stress. Mais il existe deux autres positions possibles : celle de notre naissance : je suis OK –Tu es OK, position OK+/OK + qu’Eric Berne, le fondateur de l’AT, appelle position de Prince ou de Princesse. L’autre est la position OK-/OK -, position où l’on se sent nul, face à quelqu’un d’aussi nul. C’est la position de désespoir et de dépression, celle du Crapaud ou de la Grenouille des contes de fées.
Le premier postulat de base de l’A.T. est optimiste. Il repose sur l’idée que nous sommes tous nés « prince » ou « princesse », en position OK+/OK+, tout simplement parce que nous sommes venus au monde et que nous nous attendons à être accueillis. Ensuite, l’éducation, le milieu, les circonstances, la vie économique, la famille, jouent leur rôle et nous sommes confrontés en permanence à la frustration de nos besoins puis de nos désirs. Aucun enfant ne peut en faire l’économie.
Fanita English* évoque les débuts de la vie du nourrisson et comment il oscille d’une position à l’autre.
• A certains moments, si le biberon n’arrive pas ou s’il a mal au ventre, il peut conclure que c’est de sa faute (position OK -/OK +),
• A d’autres, il peut conclure que non décidément c’est la faute de sa mère, (position OK+/OK-),
• Il peut aussi sombrer dans la rage et le désespoir quand il constate son impuissance totale à obtenir la satisfaction de ses besoins (OK-/OK-).
Les positions OK+/OK- et OK-/OK+ sont donc des positions défensives qui évitent au nourrisson de sentir la rage puis le désespoir correspondant à cette position OK-/OK -.
C’est vers l’âge de trois ans que chacun décide d’une position privilégiée, qu’on appelle position de base ou position de vie. Il la retrouvera ensuite régulièrement dans les épisodes de grand stress.
La position OK+/OK+ se trouvera de manière spontanée dans les moments d’harmonie exceptionnelle, comme dans l’amour réciproque, l’amitié et la confiance. On peut l’atteindre aussi dans la méditation, quand on la pratique.
Les positions de vie dans les relations sociales :
Dans les situations de la vie ordinaire, chacun passe tour à tour par les quatre différentes positions par rapport à ses partenaires. Elles varient selon les personnes et les domaines : domaine affectif, scolarité, famille, vie sociale. Elles déterminent souvent le choix du métier et décrivent les différents comportements selon qu’on a plus ou moins d’estime de soi et de l’autre ainsi que de confiance dans la vie.
Dans les relations sociales, en général,
• la position OK+/OK+ est celle qui permet la coopération, débouchant sur l’action positive « aller de l’avant avec l’autre ».
• la position OK+/OK- consiste à dévaloriser l’autre, à le rejeter. C’est une position de suspicion.
• la position OK-/OK+ consiste à se dévaloriser soi-même et à s’en aller.
• la position OK-/OK- consiste à renoncer à tout. C’est la position de désespoir et d’impuissance.
Il est donc important pour nous tous de prendre conscience de notre position de vie préférée quand nous sommes sous stress, tout en sachant que nous n’y sommes pas condamnés.
C’est en effet ici qu’intervient le deuxième postulat optimiste de l’analyse transactionnelle : nous avons un pouvoir sur notre vie.
Quand nous étions dépendants et faibles, nous avons fait des choix ; ils nous ont permis de survivre. Aujourd’hui, les conditions sont différentes, nous sommes plus grands, plus forts ; nous pouvons nous dégager des choix anciens et nous pouvons tous apprendre à établir avec les autres une relation positive.
Comment développer la position OK +/OK+ ? **
La vision de soi :
Prendre conscience de ses besoins et les respecter,
Etre au clair sur ce qu’on ressent : colère, mépris, envie,
Etre prêt à le dire d’une manière appropriée,
Attendre d’être dans des dispositions d’esprit plus positives avant d’agir,
La vision de l’autre :
Accepter :
• qu’il ait ses raisons
• qu’il défende ses intérêts et cherche à satisfaire ses besoins
• qu’il soit comme il est, sur un chemin et à un certain point de ce chemin, comme chacun de nous l’est aussi .
Tant qu’on n’a pas atteint cet équilibre interne, il vaut mieux s’abstenir.
Pour bien exercer son métier et réussir sa vie, il est essentiel de s’entraîner à changer son regard sur soi-même et sur l’autre. On le fera chaque fois qu’on se trouve en difficulté, mais ce sera d’autant plus facile qu’on aura pris l’habitude de porter aussi son attention sur les aspects positifs des personnes et des situations.
Les enseignants pour pouvoir faire leur travail d’enseignement ont besoin d’accepter que les élèves se trompent, sinon ils ne leur laissent pas la possibilité d’apprendre.
Les psychothérapeutes ont besoin d’accepter leurs clients avec leurs faiblesses et leurs doutes afin de les soutenir dans leur démarche de changement. S‘ils ne peuvent le faire, il vaut mieux qu’ils choisissent un autre métier.
Les analystes transactionnels ne sont pas meilleurs que les autres. Ils sont seulement entraînés à coopérer, à accepter la différence, à mobiliser leur bienveillance et leur vigilance, sinon, ils ne peuvent pas travailler.
Berne a été le premier à nous alerter : « Si vous vous sentez en quelque façon plus malin que votre client, abstenez-vous ! »
Bon entraînement !
* Fanita English : « Je suis OK- Tu es OK/Adulte »AAT N°10
** Vous trouverez ces idées développées dans mon ouvrage : « Sortir des conflits », Paris, InterEditions, 2009, P 123-125