Introduction au compte-rendu du livre
« Éloge du risque » d’Anne Dufourmantelle

« Comment ne pas s’interroger sur ce que devient une culture qui ne peut plus penser le risque sans en faire un acte héroïque, une pure folie, une conduite déviante ? Et si le risque traçait un territoire avant même de réaliser un acte, s’il supposait une certaine manière d’être au monde, construisait une ligne d’horizon… Risquer sa vie c’est d’abord, peut-être, ne pas mourir. Mourir de notre vivant, sous toutes les formes du renoncement, de la dépression blanche, du sacrifice. Risquer sa vie, dans les moments décisifs de notre existence, est un acte qui nous devance à partir d’un savoir encore inconnu de nous, c’est une prophétie intime ; le moment d’une conversion. Est-ce ce geste du prisonnier, dans le Mythe de la Caverne, se tournant vers la vraie lumière, ou lorsque Kant parle de la loi morale, ce point d’appui en nous, d’universalité, sur lequel nous pourrions nous fonder pour penser et être libre ? » (Page 12)

Compte-rendu du livre « Éloge du risque » d’Anne Dufourmantelle, Paris, Éditions Manuels Payot, 2011, 309 pages.
Paris, le 27 octobre 2011

 

« Éloge du risque » d’Anne Dufourmantelle

Dans son nouveau livre, « Eloge du risque », Anne Dufourmantelle, docteur en philosophie et psychanalyste, nous présente une palette irisée de toutes les facettes que revêt le risque, déclinées sur une cinquantaine de chapitres, allant de deux et n’excédant pas les quatorze pages.
Dans le premier tiers du livre, l’ensemble des risques dont il est question : le risque de ne pas mourir, celui de la dépendance, de désobéir, d’être en suspens, de la passion, de quitter la famille… est, en premier lieu, abordé d’un point de vue culturel et social, mais au décours de la lecture de chacun d’eux, on s’aperçoit qu’il s’agit de tout autre chose. En effet, au-delà de ce premier abord, c’est de la cure analytique dont il est question. La cure analytique au cours de laquelle, sans doute, chaque analysant rencontre chacune des composantes exposées, du risque ; donnant ainsi la sensation d’une sorte d’universalité dans la cure.
L’articulation des deux derniers tiers du livre est moins nette. Oscillant entre psychanalyse et philosophie, il y est question de perception, du corps, de l’angoisse, du rêve, du rire, de la lecture, de l’écriture et de littérature.
Un fil conducteur tout au long de ces cinquante chapitres ?… Pas vraiment, si ce n’est le thème du risque… Une révolution ?… peut-être ? Dans la mesure où au début du livre, il est question du mythe d’Orphée, mythe que l’on retrouve au tout dernier chapitre… Et la boucle est bouclée. Un survol de tout ce que le terme « risque » peut englober depuis la naissance jusqu’à la mort. Avec ce risque essentiel à cet entre-deux : le risque de ne pas mourir, qui peut s’opérer en prenant le risque de rencontrer un analyste.
Tout au long de son livre ponctué d’exemples que lui donne la clinique, Anne Dufourmantelle, par ses extraits de séance, vient aussi interroger la pratique de l’analyste.
Ecrit dans un style agréable à lire, accessible et souvent poétique. Un très joli livre à lire et à relire.

 

Elisabeth Gaudemer
Psychanalyste, Paris