Les enfants, en particulier les petits garçons, prennent  plaisir à se mettre en scène dans toutes sortes de jeux de combat. Rien d’étonnant si, « à  la bagarre », ils crient, jouent à se faire peur et simulent des agressions physiques voire même une exécution. Il existe des situations où les rôles se stigmatisent entre agresseur et agressé et la relation perd tout caractère ludique pour la victime. Cela se déroule en général en milieu scolaire, microcosme où les enfants sont amenés à se croiser quotidiennement. Cela peut avoir lieu dans la cour de récréation, à l’abri du regard des enseignants et parfois se poursuivre tout au long de la journée d’école, éventuellement même, pour les enfants plus âgés, sur le chemin du retour à la maison. Ce phénomène a été décrit dans la littérature européenne et surtout anglosaxonne. Les auteurs désignent cette violence en milieu scolaire par les termes « harcèlement », « malmenance », « incivilité », « school bullying » qui se traduit par « brimades ou brutalité ». D’après Dan Olweus, professeur de psychologie en Norvège et  fondateur du concept de « school bullying » dans les années 70, on peut définir les actes de maltraitance entre enfants et les distinguer de « jeux de mains » banaux par 3 caractéristiques :

- Les violences ont lieu de façon répétée et durable dans le temps
- On observe une relation déséquilibrée entre une victime et un agresseur
- L’agresseur agit avec conscience du caractère nuisible de ses actes

Les actes violents peuvent  prendre diverses formes : une agression physique (coups, cheveux tirés…), une agression verbale (moqueries, insultes, surnom..), une soudaine absence de considération de la part de ses pairs (mise à l’écart, évitement, rumeurs….). Souvent la relation est triangulaire entre un agresseur, une victime et des « spectateurs ». Les spectateurs, lorsque ils se retrouvent confrontés à leur rôle peuvent décider de venir en aide à la victime ou bien se conforter à leur poste de voyeurs et y prendre un plaisir pervers. Il arrive aussi que les agressions soient menées par un groupe d’enfant sous l’influence d’un « leader ».

En général,  les enfants touchés sont âgés de 6 à  16 ans, mais certains peuvent subir de telles  situations dès la petite section de maternelle et vivre dans ce contexte  leur premier contact avec la vie scolaire. Plus tard, au moment de l’adolescence ces violences ont tendance à prendre la forme de « jeux » dangereux de type « jeux d’asphyxie » dont le plus connu est le jeu du foulard et de « jeux d’agression » avec usage de violence physique gratuite. Outre les conséquences en termes de traumatisme psychologique, ce type de « jeux »  présente un risque physique grave, potentiellement mortel.

 

Quels sont les signes d’alerte à repérer par les parents et enseignants ?

Sur le plan psychologique, un enfant confronté à de telles difficultés peut réagir de diverses façons. Ce qui doit alerter c’est un changement de comportement de l’enfant, inexpliqué par d’autres facteurs. Il peut s’agir d’un repli sur soi, de manifestations d’anxiété somatisée (maux de ventre, maux de tête…), d’un refus de se rendre à l’école, de troubles du sommeil. Il peut y avoir un fléchissement des résultats scolaire chez un bon élève, de l’absentéisme …L’enfant peut devenir agressif avec son entourage proche, être amené à voler régulièrement de l’argent à ses parents, en cas de racket. Les séquelles physiques peuvent aussi alerter les parents : hématomes, vêtements abimés ou accessoires vestimentaires régulièrement perdus.

Si la situation perdure, la victime peut développer un véritable syndrome anxio dépressif et éventuellement même une phobie scolaire ou chez les adolescents un risque suicidaire. Le syndrome anxio dépressif se caractérise par des symptômes révélateurs d’une souffrance  (ennui, tristesse, indifférence), souvent associés à des troubles somatiques (perte d’appétit, troubles du sommeil, énurésie). On peut aussi observer des symptômes de « défense » réactionnels au syndrome dépressif comme une instabilité motrice, des manifestations agressives, de la colère.

 

Quel est le rôle des adultes ?

Il est primordial qu’une prévention efficace puisse se faire afin de détecter au plus tôt ces situations et de les éviter au maximum. Les adultes doivent prendre au sérieux ce phénomène et ne pas le considérer comme des querelles d’enfants. Les familles et le corps enseignant doivent être à l’écoute d’éventuels changements de comportement chez les enfants. En général l’enfant victime a peur de dénoncer son agresseur, une des difficultés est donc d’ouvrir le dialogue avec l’enfant en lui montrant que l’on est prêt à le comprendre et à l’aider dans ses difficultés. D’après le Dr Nicole Catheline, pédopsychiatre, il faut mieux questionner l’enfant en lui demandant directement si quelqu’un lui fait du mal*. La formulation du problème par l’adulte aide l’enfant à s’exprimer. Une question ouverte du type « Qu’est ce qui ne va pas ? Que se passe-t-il ? » est trop vague et traduit l’inquiétude des parents. Un enfant aura des difficultés à se confier à un adulte qu’il sent inquiet. Parfois le traumatisme a pu être important et il ne faut pas hésiter à accompagner l’enfant chez un psychologue.

Afin de limiter ces situations dramatiques, la prévention primaire doit se faire sous la forme d’une information aux enfants. Elle  peut se dérouler de manière informelle au sein des familles. Les enfants  doivent être au courant de l’existence des différentes formes de violence et de leur caractère inadmissible. Ils doivent prendre conscience de l’injustice et de la gravité de tels actes. Cette prise de conscience peut les aider à réagir rapidement et à dénoncer les situations dont ils pourraient être victimes ou témoins. La meilleure façon pour une victime de s’en sortir est de s’opposer immédiatement à son agresseur en lui signalant verbalement qu’il ne se laissera pas faire et dans le même temps en parler aux adultes.

En Suède, depuis une dizaine d’année, la loi implique la responsabilité des directeurs d’école en matière de prévention du risque de harcèlement scolaire. Il leur appartient d’établir dans leur établissement un plan d’intervention contre le « school bullying ». Des programmes de prévention sont proposés depuis de nombreuses années dans les pays scandinaves et  anglosaxons où le problème du harcèlement scolaire a fait l’objet de nombreux travaux de recherches. En France, la démarche semble plus récente, mais certains établissements scolaires  organisent dans cette optique des réunions de sensibilisation entre enseignants, parents et élèves animées par des spécialistes (psychologues, assistante sociale, médecin scolaire..).

Un document écrit nommé « Les «  jeux » dangereux et les pratiques violentes» a été réalisé en avril 2007 par le ministère de l’Education Nationale. Il est consultable sur le site du ministère : http://eduscol.education.fr/D0203/jeux_dangereux.htm Un diaporama destiné aux équipes éducatives et aux parents est aussi disponible sur ce même site.



(*) Le quotidien du médecin  n°8409. 2 septembre 2008.