Protégez-vous de l’herpès labial :
• Qui ?
En France, très peu d’enquêtes épidémiologiques ont été menées. Nous estimons à 9 millions le nombre de personnes qui ont au moins 1 poussées d’herpès labial par an. Ces patients font en moyenne 2,4 récurrences par an, soit 22 millions d’herpès labiaux par an en France. 650 000 patients ont plus de 6 poussées annuelles. En réalité, le portage et les risques de contamination sont supérieurs, puisqu’une grande partie de sujets ayant des anticorps anti-HSV1 sont cliniquement muets…à défaut de l’être virologiquement (salive). Dans le monde, la prévalence de l’HSV1 est supérieure à 80 % : dans les pays en voie de développement essentiellement, en Europe et au sein des populations défavorisées sur le plan socio-économique.
L’HSV1 est l’herpès de la partie supérieure du corps essentiellement. Cependant le changement des pratiques sexuelles fait qu’on le retrouve de plus en plus souvent au niveau génital, où il a moins tendance à récidiver.
La primo infection herpétique à HSV1 est asymptomatique dans 90 % des cas…sauf conditions de promiscuité ou de fragilité du terrain dans lesquelles la pénétration est beaucoup plus souvent symptomatique.
Le portage buccal pur ou seulement en rapport avec des facteurs déclenchant, des prodromes ou des ulcérations buccales, serait de 3,6 à 7,4 % selon les études.
• Comment ?
Les principaux modes de transmission résultent d’un contact interhumain, d’une auto-inoculation ou rarement avec un objet souillé. La transmission nécessite un virus herpétique baladeur qui a plusieurs moyens de transport à sa disposition : le liquide vésiculaire d’une lésion herpétique ; beaucoup plus incognito est le relargage à l’intérieur d’un postillon salivaire ou dans les sécrétions génitales. Une main baladeuse : le virus utilise les doigts de l’individu infesté pour être transporté vers d’autres localisations cutanées, à partir de la sphère buccale ou de la sphère génitale (auto-inoculation) ; vers d’autres individus : l’herpès digital de professionnels, s’il est méconnu, peut-être une importante source de transmission. Quant au contact avec les objets souillés, cette transmission a souvent été discutée. Le virus herpétique est réputé fragile, incapable de survivre en dehors du chaud cocon humain. En fait, plusieurs études ont prouvé que le HSV peut conserver sa virulence après avoir stationné plusieurs heurs sur des objets à surface lisse, tels des gants d’examen, des spéculums, des cuvettes de toilette et même plusieurs jours sur des compresses sèches ou de linge de toilette. Une raison supplémentaire pour être très vigilant, sur les mesures d’hygiène à respecter soit-même et à faire respecter aux porteurs d’HSV. Il ne faut pas oublier le problème particulier de la transmission lors de la grossesse.
• Symptômes
* la lésion élémentaire de l’herpès est une vésicule qui apparaît de 2 à 26 jours (en moyenne 6 à 10 jours) après un contact avec le virus. Elle siège sur une base érythémateuse plus ou moins oedématiée. Le regroupement de plusieurs de ces vésicules réalise le « bouquet herpétique » aux contours polycycliques très évocateur. La vésicule, petite cavité intra-épidermique résultant de l’inflammation des cellules épithéliales par les particules virales herpétiques en réplication dans l’épiderme, est d’abord translucide, puis purulente. Très superficielle, elle est fragile et s’excorie rapidement, pour laisser place à un suintement, puis à une croûte. La croûte tombe plus ou moins vite selon la durée de cicatrisation sous-jacente, sans laisser de cicatrice. L’interrogatoire est très utile pour confirmer l’hypothèse clinique : il faut rechercher la notion de contage par un porteur d’herpès dans l’entourage ; il faut rechercher l’existence soit concomitante, soit précédant l’éruption de 1 à 2 jours de signes généraux à type de fièvre à 39°- 40° C, de malaise général, de signes fonctionnels au niveau labial. Si nous suspectons un herpès récurrent, il faut rechercher la précession de l’apparition de lésions par des picotements, brûlures, chatouillements, douleurs dans le territoire atteint, qui peuvent persister pendant quelques heures (prodromes inaperçus en cas de survenue nocturne) ; il faut rechercher des signes plus importants d’atteinte neurologique ; il faut rechercher la notion d’atteinte identique dans les années ou mois précédents, sur le même territoire ou une zone très proche, voire la notion de primo-infection herpétique, il faut rechercher la notion de facteurs déclenchants, souvent identiques pour un même patient.
* la primo-infection : la pénétration du virus succède le plus souvent à un baiser donné par un sujet porteur et contaminateur. Elle apparaît sous la forme d’une gingivostomatite ; le début en est soit brutal, concomitante d’une fièvre à 40 %, de lésions buccales et de douleur empêchant l’alimentation ; soit plus progressif, les signes généraux et les douleurs précèdent alors les lésions cliniques de 1 à 2 jours. Le tableau clinique est typique : fièvre à 38-39 °C , dysphagie expliquée par la présence de lésions buccales très douloureuses, à type de vésicules plus ou moins confluentes sur un fond érythémateux tuméfié, les vésicules s’excorient rapidement pour laisser place à des érosions sanguinolentes plus ou moins recouvertes d’un enduit blanchâtre, une hypersialorrhée réactionnelle complète ce tableau. Les lésions siègent sur les gencives, la face interne des joues et des lèvres, la langue et parfois la gorge. Généralement, des lésions péribuccales très évocatrices aident au diagnostic. Des adénopathies sensibles sous-mentales et sous maxillaires sont palpables. La guérison se fait en 2 semaine environ. En l’absence de traitement, l’excrétion virale peut durer de 11 à 18 jours. La douleur persiste 7 à 10 jours, si intense qu’elle empêche toute alimentation.
* les récurrences : lors de la primo-infection herpétique, un certain nombre de génomes viraux herpétiques ont gagné les noyaux des cellules innervant le territoire infecté, situé dans le ganglion sensitif : au visage, il s’agit le plus souvent du ganglion de trigéminé de Gasser. Ils survivent là en état de latence, en plus ou moins grand nombre. Sous l’influence de stimuli internes, externes ou de facteurs déclenchants, quelques-uns de ces génomes viraux se réactivent, migrent et retrouvent leur virulence vis-à-vis d’un territoire cutanéo-muqueux en général très voisin du lieu de la primo-infection herpétique. Cette virulence est cependant bien moindre que celle observée lors de la primo-infection herpétique, car elle est tempérée par la présence des défenses immunitaires spécifiques qui se sont constituées 15 à 20 jour après le début de l’infection. les récurrences se traduisent par le classique « bouton de fièvre ». dans la moitié des cas, des prodromes annoncent la récidive : prurit, brûlures, chatouillis, engourdissement…différent selon les patients, qui ont appris à les reconnaître. Un érythème, puis une ou plusieurs vésicules apparaissent pour quelques heures laissant la place à une érosion, puis à une croûte disgracieuse. La durée totale d’évolution est de 6 à 7 jours ; le « bouton de fièvre » siège le plus fréquemment sur la lèvre, à cheval sur la peau et la demi-muqueuse. D’autres localisation sont possibles : le nez, le menton, le front, les joues, les paupières, les lobes de l’oreille… Egalement à l’intérieur de la bouche, se traduisant par des lésions érosives ou pseudo-aphtoïdes, passant facilement innaperçues.
• Diagnostic
Dans la plupart des cas, il n’est pas utile de connaître le type herpétique en jeu, l’attitude thérapeutique ne variant pas selon qu’il s’agit d’un HSV 1 ou d’un HSV 2. En revanche en cas de lésions atypiques ou compliquées il peut être intéressant pour la compréhension et sur le plan épidémiologique de savoir quelle souche de HSV nous avons à faire. Les examens biologiques qui permettent cette reconnaissance font appel : d’une part aux spécificités immunologiques des protéines d’enveloppe (examens sérologiques), d’autre part aux particularité du génome viral (examens virologiques par détection d’ADN viral, éventuellement après amplification par PCR). Ce ne sont pas encore des examens de routine.
Les diagnostics différentiels au niveau labial : au niveau du visage, tout suintement vésiculaire est abondant et prend rapidement, en séchant, l’allure de croûtes épaisses et jaunâtres. C’est pourquoi au niveau labial ou narinaire, le diagnostic différentiel le plus délicat est celui d’impétigo, dont les croûtes de couleur miel prêtent à confusion avec celles de l’herpès. de plus l’herpès peut rapidement être surinfecté dans ces sites périorificiels par du staphylocoque doré. Ainsi, devant toute lésion évoquant un impétigo au niveau du visage et plus encore si cette lésion reste unique, il faudra se demander si un herpès récidivant n’est pas caché sous les croûtes. Par ailleurs la gingivostomatite de primo-infection herpétique chez l’enfant est tout à fait caractéristique, cependant, la distinction peut-être délicate avec : des aphtes, un syndrome pied-main-bouche, une herpangine ou autres pharyngites, un début de varicelle, un début de toxidermie bulleuse. Chez l’adulte, les récurrences peuvent passer inaperçues ou poser un problème diagnostique avec : des aphtes, une toxidermie bulleuse débutante, une syphilis avec chancre buccal, une maladie auto-immune débutante, le zona. Les diagnostics différentiels au niveau facial pour une petite plaque isolée de récurrence sont : un furoncle, une plaque d’eczéma ; dans le cadre d’une éruption disséminée, nous discutons la varicelle, le zona, la syphilis secondaire, l’érysipèle.
• Revue des facteurs déclenchants
les divers facteurs déclenchant les récurrences HSV sont : la fièvre, la fatigue (état infectieux latent, état sub-dépressif) , les traumatismes locaux (frottements, mouvhages, intervention chirurgicale, extraction dentaire), le soleil (effet immédiat ou retardé), le chaud, le froid, les stress (émotionnels, d’hyperactivité, de fatigue), les règles associant fatigue et stress, les immunodépressions spontanées ou acquises (VIH, cancers, traitements immunosuppresseurs).
• Traitement
Pour être idéal un traitement doit toucher sa cible en détruisant le moins possible les tissus qui l’entourent. Les traitements antiherpètiques réalisent cet objectif, leur spécificité provenant de leur action par l’intermédiaire de systèmes enzymatiques propres au virus . La contre partie de cette spécificité est qu’ils n’atteignent pas les virus latents, ces systèmes enzymatiques n’intervenant qu’en phase de réplication virale. L’aciclovir, développé à partir de 1978, a été le premier antiviral efficace et facile d’emploi (pratiquement pas de problème de tolérance). Malgré des progrès réalisés depuis, d’une part, l’arrivée de nouveaux analogues nucléosidiques qui offrent une diversification dans les modes d’action, et d’autre part, la mise au point de prodrogues de biodisponibilité supérieure, le traitement éradiquant totalement l’herpès et ainsi l’épidémie à laquelle nous assistons, n’a pas encore vu le jour. La vaccination antiherpétique, à condition de parvenir à créer le vaccin efficace, reste-t-elle le seul espoir d’atteindre le but ?
Posologies et formes d’administration sont différentes selon : l’âge, la localisation de la primo-infection herpétique, l’état des défenses immunitaires.
• L’évolution
Si la primo-infection est vue dans les premiers jours, il faut effectivement prescrire un traitement antiviral le plus précoce possible afin de diminuer la charge virale, afin de diminuer la destruction tissulaire secondaire à la réplication virale intra cellulaire, afin de limiter le pouls de virus latents qui auront le temps de se réfugier dans les ganglions neurologiques voisins ; afin de diminuer l’inconfort et ses douleurs, afin de raccourcir l’évolution, afin d’éviter une éventuelle dissémination cutanéoviscérale. Cependant les détracteurs de ce traitement systématique objectent qu’il diminuerait la fabrication des défenses antiherpétiques spécifiques et ainsi favoriseraient des rechutes cliniquement plus agressives.
Pour une infection récurrente, dans la majorité des cas un traitement local suffit : éventuellement par une crème antivirale si elle est appliquée dès la perception des prodromes et répétée 5 à 6 fois par jours pendant 3 à 4 jours ; ou sinon un antiseptique courant assure l’assèchement des vésicules déjà formées.
Lorsque les récurrences sont fréquentes (plus de 6 par an) au niveau labial, un traitement continu peut-être instauré.
• Conseils de prévention
En cas de primo-infection herpétique : le risque de dissémination est important, souvent en rapport avec un certain degré d’immunodépression, un virus paticulièrement agressif ou une dermatose préexistante. Le risque d’auto-inoculation est relié, lui, au transfert du virus, par l’intermédiaire des doigts à d’autres sites cutanés : oculaire, génital, narinaire, digital…Les conseils de désinfection et d’hygiène doivent donc être dispensés, pas faciles à faire comprendre à un petit enfant qui suce son pouce ! Comme il paraît inhumain de lui attacher les mains, le soin de réduire la multiplication virale le plus vite possible est confié au traitement.En cas d’herpès récurrent labial : qu’il soit clinique ou symptomatique, le risque d’auto-inoculation est quasiment nul, sauf en cas d’immunodépression. Il sera rappelé aux porteurs de lentilles oculaires de ne pas humecter au moyen de leur salive. Le risque pour l’entourage est en revanche important. Il sera donc conseillé : d’éviter d’embrasser qui que ce soit, et surtout un nouveau-né, un enfant de moins d’un an, un sujet fragile, d’éviter de postillonner sur ces mêmes sujets fragiles, même en l’absence de lésions cliniques visibles, lorsque le prodromes habituels sont ressentis ou les circonstances habituelles de poussées. Le port de masque en papier est indispensable lorsque des soins doivent être donnés à des sujets fragilisés, d’éviter les rapports oro-génitaux dans ces périodes de risque d’excrétion virale. Rappelons que la durée de contagiosité varie de 1.5 jour (excrétions pures), 2.4 jours (récurrence) à 11 jours (primo-infection herpétique), prolongée en cas d’immunosuppression. La couverture par aciclovir est rarement proposée pour des rechutes labiales, celles-ci étant relativement peu fréquentes : 2.4 en moyenne par personne et par an. Elle n’évite pas totalement l’excrétion virale, souvent buccale (salive) ; toute fois, nous la proposons lorsque les récurrences surviennent très souvent esthétiquement et socialement dérangeantes.