L'espace thérapeutique pour s'accueillir, habiter, imaginer, rêver, sa maternité
Esther Galam Art thérapeute et Gestalt thérapeute - Paris 8ème.
Les liens mère/enfant pré existent bien avant la naissance et bien avant leur rencontre.
Je rapporte dans cet article une séance avec une de mes patientes, enceinte de 4 mois, pour illustrer les bénéfices d’une approche en psychothérapie qui fait appel à la fois à la parole autant qu’à l’expression non verbale, par la voie de la créativité.
Dans d’autres séances avec cette patiente, les échanges, les propositions créatives ont permis à la patiente de contacter l’embryon et le nourrisson qu’elle a été, incluant les éprouvés inconscients qui s‘y rattachent et qui apparaissent dans l’instant T, MAINTENANT, en situation avec le thérapeute: calme/agitation, clarté/obscurité, sécurité/peurs, communication/solitude…
Ce mode d’accompagnement thérapeutique, permet à la future maman d’habiter son monde imaginaire et de donner forme à l‘enfant imaginaire qu’elle porte.
Vignette:
Dorothée est âgée de 32 ans. Je l’accompagne en psychothérapie depuis 2ans.
Sa demande est d’améliorer ses qualités relationnelles (tant personnelles que professionnelles).
Elle se plaint de son manque de confiance qui la plonge dans l’immobilisme, la passivité, accompagnés d’un fort sentiment de culpabilité.
Elle évoque également une palette de symptômes psychosomatiques, comme des douleurs dorsales des troubles du sommeil des maux d’estomac.
Le sentiment anxieux fait partie de son quotidien. Nous avons mis en évidence le mécanisme qui alimente son anxiété. Elle anticipe et imagine toutes les difficultés et tous les problèmes qui peuvent survenir.
L’axe majeur de notre travail consiste à accueillir, nommer, exprimer des émotions comme la colère ou la tristesse, de façon à établir des relations saines et congruentes avec elle – même et avec les autres.
A l’annonce de la grossesse, Dorothée exprime de nombreuses craintes, comme de voir un ralentissement de son activité professionnelle (elle se trouve à la tête d’une agence de communication) et de se montrer incapable de prendre soin de son enfant.
Pour l’accompagner dans cette étape de sa vie, nous nous appuyons sur les ressources de son imaginaire, de sa rêverie de sa créativité.
Pour cela nous disposons de plusieurs supports créatifs comme la peinture, l’écriture ou la terre.
Je vous décris une séance au cours de laquelle Dorothée s’est emparée de supports créatifs pour donner forme aux émotions contrastées qui l’habitent.
La séance s’est déroulée en deux grandes étapes.
1 - Soutenir la tension entre deux sentiments opposés: la légèreté et l’anxiété, par la voie de l’expression plastique – la peinture.
2 - Donner du sens aux productions plastiques par le biais des échanges thérapeute /patient.
La séance:
Dorothée entre dans mon cabinet sans me jeter un regard, le pas rapide, le corps tendu.
Elle se pose tout au bord du fauteuil. Elle s’exprime d’une voix forte, sur un rythme rapide.
J’observe son torse. Une image m'apparait, qui est celle d’un carcan rigide et fermé, comme une cuirasse.
Je lui fais part de cette image et du ressenti qui me gagnent, d'un manque de souffle.
Dorothée :
Je n’ai pas conscience de cela, mais j’ai passé une semaine agitée.
Je me sens angoissée.
Je lui propose de se recentrer sur sa respiration, suivi d’un exercice de visualisation.
Thérapeute :
Installez vous dans un endroit où vous pouvez ressentir de la sécurité quelque part dans votre corps. (Cet exercice se déroule pendant 15 minutes).
Dorothée :
Je me sens sur un petit nuage, légère là, (elle touche son ventre) et aussi serrée dans un endroit, là dans les mâchoires.
C’est ce moment que je saisis pour lui proposer de peindre les deux tonalités émotionnelles qui l’animent. Nous nous installons au sol où je dépose deux feuilles.
Pendant 30 mn elle passe d’une surface à l’autre en des mouvements d’aller retour.
Sur la première feuille apparait un nuage noir, avec des grillages, sur toute la surface. Cela représente pour elle la rugosité la noirceur les peurs qui peuvent l’envahir par rapport à sa grossesse.
Sur la seconde feuille un nuage blanc, une forme ronde au centre. « Je peux imaginer un cocon protecteur que je me donne et que j’offre à mon bébé ». Dit - elle, comme un berceau.
Nous prenons un temps pour échanger sur l’expérience.
Dorothée :
Je prends conscience de deux forces en moi, la peur et en même temps la douceur.
Elle complète sa peinture. Elle s’y représente un ventre accueillant rond et rose, elle y ajoute des paillettes dorées « de la poudre de bienveillance » dit–elle.
Pour installer cette dimension en elle, je lui propose de déposer les paillettes de bienveillance, là ici avec moi.
Elle dépose de la poudre dorée sur le bout de ses doigts et agite ses mains au-dessus de son ventre, qu’elle entoure d’un geste protecteur.
Dorothée :
« Je protège mon bébé je sens ma respiration qui lui apporte du bon air et de l’or bienfaisant. Je le nourris de détente et de sentiment d’ouverture »
Je lui fais part du sentiment de plénitude et de sérénité que j’éprouve à l’instant présent. Son sourire, ses traits détendus, son corps souple, sa respiration ample m’indiquent son état de bien-être.
Je l’invite à fermer les yeux pour l’installer en elle.
Elle repart avec ses dessins, qui sont des traces, pour l’aider à ancrer la sécurité qu’elle se donne pour elle-même et pour son futur enfant.