Dans les périodes de grandes rencontres sportives comme l’Euro, les jeux olympiques, les grands tournois de tennis, le tour de France cycliste, avec leurs longues retransmissions télévisuelles, beaucoup de femmes se plaignent de l’invasion des écrans par le sport alors que beaucoup d’hommes organisent alors leur vie autour de la télé. Pourquoi cette différence alors que filles et garçons sont incités à une pratique physique égale durant leur scolarité ? « Sport » et « femmes » sont-ils peu conciliables ?

Aller aux matchs de foot ou de tennis, assister aux compétitions équestres est affaire de goût et peut se pratiquer en famille ou en groupes de copains. En revanche pratiquer régulièrement un sport, même sans entrer dans la compétition est une autre affaire. Pourtant les garçons et les filles partent du même point à l’école : les heures d’éducation physique sont les mêmes pour les deux sexes et il y a peu de différences dans le choix des activités. En revanche quand on interroge les femmes plus tard, surtout celles qui ont des enfants, il est rare qu’elles pratiquent un sport. La compétition sportive concerne une minorité d’entre elles, même si elles sont de plus en plus présentes. Et si la pratique sportive de loisirs intéresse un public important car liée au développement des idées de bien-être et de santé, on doit constater qu’elle ne touche qu’une petite catégorie de femmes.

Quels bénéfices en tirent celles qui le pratiquent ?
On peut les classer de la manière suivante :

- les avantages liés à l’activité elle-même : santé, aisance corporelle, efficacité, stimulations, avec la production d’endorphines, plaisir lié à la pratique compétitive pour certains et au dépassement, temps de retrait, de mise à distance de la vie quotidienne ;
- les avantages liés à l’activité sociale : rencontres, échanges, émotions communes lors des célébrations sportives, sujets de conversation, sentiment d’appartenance à un groupe, complicité.

Quelles en sont les limites ?

La pratique des sports exige des espaces spéciaux accessibles et peu coûteux : stades, salles de sport, piscines, chemins, pistes cyclables ou cavalières. On sait que les hommes occupent massivement les espaces citadins consacrés au sport. Les femmes se replient le plus souvent sur des espaces privés et payants : salles de yoga ou de danse, piscines.
Mais l’obstacle le plus grand en particulier pour les mères de famille c’est le temps que réclame la pratique d’un sport.

La pratique d’un sport demande du temps : le sport réclame en effet à la fois durée et assiduité.

En ce qui concerne la durée il y a un seuil à franchir. Une activité physique n’est jamais courte. Pensons aux étapes de la pratique physique : l’échauffement, la mise en route, le pic dans l’effort, le retour au calme. On peut pratiquer, même âgés, mais l’échauffement dure alors plus longtemps. Même pour la marche, on vous dira que marcher une demi-heure ne sert à rien. Il faut faire plus. C’est toujours plus ! Comme les soins des enfants et les activités ménagères ont tendance aussi à être extensibles à l’infini, c’est perdu d’avance.

Le sport par ailleurs ne supporte pas une pratique occasionnelle. Il faut aussi de la régularité, de l’assiduité et qui peut dire à une femme que rien ne va s’interposer avec son activité programmée ? Dans l’esprit de la majorité des mères de famille, le temps dont elles disposent en dehors de leur vie professionnelle appartient à leur famille. La pratique d’un sport dans leur esprit se fait en dehors de la famille et aux dépens des soins aux enfants. C’est ce qui explique qu’elles pratiquent parfois un sport avec leur compagnon mais arrêtent quand elles ont des enfants.

Pour pratiquer un sport, il faut le vouloir vraiment et se donner la permission d’en faire une priorité. Cela consiste à se dire : c’est important pour moi ; je prends le temps de le faire. La permission est une décision interne que tout essaie de perturber : l’entourage qui a d’autres projets, y compris séduisants, la pression sociale qui pousse à privilégier les besoins des enfants et de la famille en général, la fatigue, le poids des soucis professionnels. Le temps explique la place réduite du sport dans la vie des femmes.

Une autre répartition des charges domestiques permettrait-elle de dégager du temps pour une activité personnelle qui ne serait pas forcément sportive ? Probablement. Elle nécessiterait la coopération du compagnon de vie et des enfants. Il faut alors négocier avec eux un temps régulier disponible pour pratiquer une activité choisie qui sera un sport ou autre chose.

Serait-elle suffisante ? Peut-être pas. En effet, bien d’autres obstacles internes sont à prendre en compte : ils sont en rapport avec l’image du corps, l’idée du vieillissement, le souci esthétique, le décalage entre l’effort à fournir et les résultats objectifs obtenus, la lassitude des compétitions. Tous interviennent pour détourner les femmes d’investir durablement dans le sport un temps de loisir qu’elles trouvent facilement à mieux employer parce qu’il est toujours trop limité à leurs yeux.

 

Agnès Le Guernic, Septembre 2016.