INTRODUCTION


Drogues et cerveau, psychisme et esprit, ces réalités sont en liens très étroits chez toute personne, et particulièrement chez l’adolescent. Au milieu de toutes ses transformations et ses interrogations sur lui-même et sur les autres, le questionnement sur le sens est très présent, plus ou moins conscient ou inconscient, plus ou moins exprimé ou réprimé. Mais il interfère sur tous les aspects psychologiques, sur le vécu des nombreuses difficultés présentes à cette période de la vie, mais aussi sur les capacités de développement très réelles à cette phase de l’existence. Et cette réalité nous amènera à considérer quelques dimensions de la prévention, intéressantes dans de nombreuses situations de difficultés et de dysharmonies.
Mais l’adolescent d’aujourd’hui a vécu son enfance selon des modalités qui ont évolué. Les grandes caractéristiques du développement de l’enfant sont toujours à prendre en compte, mais il y a des modalités différentes de développement
(M.BASQUIN).
«  Les attitudes à l’égard des nourrissons ont été modifiées grandement. La connaissance plus grande de l’importance des interactions précoces mère – enfant a transformé les modalités de communication et de relation, imprégnées de stimulations parfois abusives, et ce, dès les premiers instants de l’existence. Les normes éducatives du passé étaient dictées aux parents de l’extérieur. Les repères éducatifs d’aujourd’hui sont différents. Il y a plus de souplesse, fut-ce dans les soins ou l’alimentation. Mais l’enfant est soumis à d’autres contraintes plus subtiles, comme d’échanger et d’être interactif avec son entourage. Il est stimulé par les excitations de ses proches, ce qui entraîne deux conséquences. La première est que sa liberté développementale et ses rythmes propres sont moins respectés. La seconde est que les parents assurent moins les nécessaires fonctions de pare excitation, c’est à dire de protection contre les stimuli qui pourraient déborder les capacités de traitement d’informations et de tolérance ».
On insiste donc davantage sur la sphère affective, au détriment parfois de l’objectif dans son éducation. Le primat de l’action parentale est souvent d’aimer et d’être aimé, plus que d’éduquer ou de vouloir éduquer ; et il se constitue ainsi une forme de privation de liberté qui va se retrouver dans les angoisses de séparation de l’enfant, et plus tard à l’adolescence, dans la difficulté à se détacher et à poursuivre le processus d’individuation.
La situation dite « œdipienne » va aussi se passer de façon très différente. L’enfant l’aborde souvent sous la pression et sous l’attente parentale, alors qu’il n’est pas prêt à abandonner le bénéfice des satisfactions des périodes précédentes (orale et anale). On voit ainsi des enfants présenter à la fois des manifestations de cette période (œdipienne) alors qu’ils restent à des périodes antérieures de leur développement. Par exemple on voit des développements importants du langage et de connaissances, alors que la maîtrise sphinctérienne n’est pas acquise.
Les démarches identificatoires au père et à la mère chez le garçon ou la fille, ne peuvent se déployer dans les mêmes conditions et doivent chercher des modèles ailleurs. L’importance d’être aimé prédispose chez ces enfants à des attitudes de séduction plus forte à l’égard des parents.
Dans notre société, les identités des adultes sont moins déterminées par des stéréotypes sociaux.. L’abrasement des différences, la moindre différenciation des rôles, font que ces identités sont floues, souvent fragiles parce qu’elles ne reposent pas sur un deuil suffisant de ce qui appartient en propre à l’autre sexe. Les fonctions parentales sont moins déterminées et différentiées, et les parents souhaitent les exercer parfois de façon interchangeable. « Il n’y a pas de renoncement de n’être pas l’autre et ne pouvoir l’être jamais ». Il n’y a pas d’acceptation des propres limites de chaque fonction parentale masculine et féminine, on veut à tout prix remplacer ou supplanter l’autre. Et souvent le souci de contribuer à la réalisation d’une personnalité libre, consciente d’elle-même, cède le pas à l’éducation misant essentiellement sur la réussite.
Tous ces éléments vont se retrouver dans les difficultés et les pathologies de l’enfance. On rencontre davantage d’états dits «  limites », plus que de névroses organisées, et permettant une défense meilleure de la personnalité. Ce sont des enfants vivant sous contrôle de l’impulsivité, sans inscription dans le passé et le futur, sans tolérance à l’attente et à la frustration.. Et nous retrouverons la violence, manière d’exprimer l’intensité des conflits pulsionnels, résultant du fait que les pulsions précoces n’ont pas pu faire l’objet d’un travail d’élaboration, du fait que l’enfant a vécu trop souvent les pressions anticipatrices du milieu. Il faut aller plus vite dans les phases du développement, comme nous l’avons vu. On va retrouver aussi des pathologies de la séparation également plus franches.
Et l’enfant dans la découverte de son univers et du monde extérieur va être beaucoup plus sollicité, mais ses énergies risquent d’être mises à rude épreuve. Et c’est ainsi qu’il arrive déjà fragilisé à l’adolescence.


A suivre, avec :
Les mutations et les tâches de l’adolescent…