La ménopause est une étape clé dans la vie des femmes et bien que phénomène universel, son vécu et sa représentation diffèrent d’un continent à l’autre, d’une culture à l’autre. Coup de vieux pour les unes, elle est coup de jeune pour d’autres;
Tout dépend où vous vous situez sur la planète…
 

 

Je vous entends soupirer et répondre sans détour : « coup de vieux ! » et de vous justifier, d’égrener le chapelet des symptômes qui ruinent vos jours et vos nuits.
Vous dîtes : « la ménopause, ça me fait suer ». Vous êtes drôle…
« Ma peau est aussi sèche que le désert de Gobi ». Pas de pot !
« Ma libido fout le camp…mon mari aussi, avec une bimbo, la voix s’étrangle, les enfants ont quitté le foyer, je vais être grand-mère, elle le murmure comme si un cataclysme allait s’abattre sur elle. Elle vide une boîte de kleenex. Hélène se sent vieille, fatiguée, mal foutue. Sa ménopause est perçue de façon négative et Hélène envisage son avenir proche avec un scénario sombre : en Alzheimer débutante, puis très vite en Alzheimer confirmée et dépendante, en maison de retraite, s’il y a de la place, puis point final, la mort. Assurément sa ménopause est un cap difficile, un gros coup de vieux.
Comme Hélène, beaucoup de femmes aux abords de la cinquantaine franchissent et vivent cette étape naturelle de la vie comme une épreuve physiologique mais surtout psychologique. Ce qui les distingue les unes des autres est le contexte personnel, familial, professionnel etc de chacune qui peut majorer le ressenti des troubles.
Ce qu’elles ont en commun est de vivre cette période de chamboulement dans une société occidentale qui porte au pinacle les valeurs de jeunesse éternelle, de beauté et d’apparences, de zéro défaut, exit les marques du temps. Les magazines féminins exhibent des photos (retouchées) de célébrités quinqua comme des icônes façon « appartements témoins ». Ces mêmes magazines véhiculent une culture anti-âge, et témoignent d’un marché florissant de la chirurgie esthétique et même du rajeunissement sans chirurgie esthétique ! On n’arrête pas le progrès ! Est-ce réellement une alternative au coup de vieux d’Hélène ? Quelle image et quelle représentation notre environnement social, économique et culturel lui renvoie-t-il de la femme ménopausée ? Hélène feuillette les magazines féminins chez son coiffeur. Elle en sort bien coiffée mais mal lunée. Deux modèles coexistent dans ces pages : La quinqua-sexa paraissant une quadra épanouie, performante, séductrice, sans ride qui ne semble pas concernée par la ménopause, l’autre, la femme ménopausée les joues en feu, collectionnant les symptômes, présentée comme une malade qui nécessite soins et traitements, cible rêvée des labos pharmaceutiques. Ces deux perspectives, celle du déni - trompe-l’œil ou celle de la victime subissant son sort lié à l’âge, sont révélateurs d’une réalité schizophrénique qu’engendre notre société et qui génère malaise, perte de repères et crise d’identité. Chez Hélène, la ménopause coïncide avec des évènements personnels (séparation, départ des enfants, prochainement grand-mère…) qui amplifient ses bouffées de chaleur, son inconfort psychologique, sa déprime.
Le vécu de la ménopause et la perception des symptômes dépendent à la fois du contexte personnel, de sa subjectivité, de l’influence culturelle d’une société sur la représentation de cette période, sur l’âge et le vieillissement.
Des études ont mis en évidence qu’une grande majorité de femmes vivant dans les sociétés occidentales souffrent de bouffées de chaleur, de sécheresse vaginale, de trouble de l’humeur et de déprime, d’ostéoporose liés à la ménopause, qu’elles se plaignent et supportent mal cette étape de leur existence, perçue de façon négative comme une injustice.
Ces mêmes études démontrent que plus le statut et la place des femmes ménopausées sont valorisés au sein d’une société, plus elles traverseront la période de la ménopause avec sérénité, voire même sans troubles.
Tandis que quelque part en France, Hélène, 52 ans, s’éponge le visage et maudit ses bouffées de chaleur qu’une brigade de sapeurs-pompiers ne parviendrait pas à éteindre, elle ne s’imagine même pas, vu sa déprime qu’à l’autre bout de la planète, il puisse exister différentes cultures et ethnies chez lesquelles la ménopause rime avec accomplissement, épanouissement sur le plan social et sexuel. C’est le cas des Indiens Mohave et des Indiens Mayas. Les femmes Mohaves ménopausées ont des amants et jouent un rôle important de conseil, de transmission de savoir-faire, au sein de la tribu. Les femmes Mayas accèdent lors de la ménopause à un statut de guide spirituel, et sont dotées d’un pouvoir chamanique, croyance selon laquelle les femmes Mayas sont capables de retenir leur sang menstruel qui devient de ce fait, sang spirituel. Elles se sentent libérées et soulagées de ne plus avoir de règles ni de grossesse. Pour elles, la ménopause rime avec jeunesse et liberté, la ménopause est une étape positive.
Chez les Sikhs en Inde, la ménopause libère les femmes des menstrues, considérées comme impures et devient une étape valorisante qui leur confère une place et un rôle affirmé au sein de la communauté. Les femmes sont à nouveau pures.
En Papouasie-Nouvelle Guinée, chez les Tin Dama, la ménopause est une mort et une renaissance. Les femmes vivent une sexualité libérée et n’ont ni bouffées de chaleur ni sécheresse vaginale. Elles accèdent à un statut de femmes libres et vont même jusqu’à changer de nom, du coup leurs maris sont considérés comme veufs !
La femme chinoise ménopausée a acquis une maturité et une sagesse qui lui permet d’accéder à un statut social plus élevé.
Le mot ménopause était absent jusqu’à récemment du vocabulaire de la femme japonaise tant elle se plaignait peu de bouffées de chaleur. Depuis, les femmes chinoises et japonaises accèdent au mode vie occidental et font connaissance avec les bouffées de chaleur.
En Afrique et notamment au Rwanda, la femme vit cette période de façon positive et son implication et sa place sont respectées au sein de la communauté. Ailleurs, en Ouganda, la femme devient l’égale de l’homme dans la tribu.
Tous ces exemples, non exhaustifs ont de quoi faire rêver la femme occidentale tant ils témoignent à travers leur diversité culturelle de la représentation positive de la ménopause, du statut social affirmé ainsi que de la place valorisée dévolue aux femmes.
Chez nous, grâce à la génération des babyboomeuses, la société a tendance à évoluer cependant la ménopause reste encore tabou et se vit dans la confidentialité.

Quelle leçon que ces différentes cultures pourraient nous enseigner en occident pour dédramatiser ce passage de la vie et le vivre en harmonie, sans discrimination, sans bouffées de chaleur, sans traitement médicamenteux et sans chirurgie esthétique !

La ménopause, coup de jeune ou coup de vieux ?
Cela dépend où vous vous situez sur la planète…

 

 

Ruth Szulsztein, psychologue
Janvier 2011