Le rôle des larmes
Les larmes sécrétées par la glande lacrymale, constituent, pour chaque œil, un film de protection de surface, pour le protège des poussières, des agents physiques et des infections.
Il joue un rôle capital, indispensable à la fonction visuelle, car il assure une lubrification de la surface de l œil, en permanence, il participe à la transparence de la cornée, du dioptre oculaire, car son altération, car son altération en qualité ou en quantité peut créer un trouble oculaire, préjudiciable à la transparence de la cornée, et donc créer une perte d’acuité visuelle.
Physiologie et composition
Schématiquement, le film lacrymal est composé de trois couches, une couche hydrique comprise entre deux couches muqueuses ou grasses, qui limitent son évaporation, et assure la lubrification de surface de la cornée, aidée en cela par les paupières qui constamment, étalent le film lacrymal à la surface de la cornée.
Les larmes sont secrétées en permanence :
- par la glande lacrymale principale, sous la paupière supérieure au tiers externe
- par les glandes accessoires qui secrètent le film gras, les glandes de Meibomius des paupières supérieure et inférieure, glandes tubulaires verticales, dans l'épaisseur de chaque paupière, 40 glandes tubulaires dans la paupière supérieure et 30 dans la paupière inférieure.
- par les glandes de Krause des culs de sac conjonctivaux, puis stationnent dans la gouttière lacrymale inférieure, c'est à dire le bord de chaque paupière inférieure, qui a une certaine pente, qui achemine (telle une gouttière au bord du toit) vers les deux orifices ou points lacrymaux, situés à l'angle interne de chaque bord de la paupière, un orifice en haut et un autre en bas, qui se réunissent en un canal lacrymal, le tuyau d'évacuation, la colonne de descente, qui évacue les larmes dans le nez, au niveau du méat moyen.
Cette sécrétion lacrymale se fait de façon permanente, avec un cycle de production nyctéméral et un maximum le matin et un minimum le soir.
Cette sécrétion permanente est celle dite de base, mais peut être majorée :
- en cas d'irritation ou de corps étranger, avec stimulation du système parasympathique ou bien sous l'influence d’une forte émotion, c’est le larmoiement réflexe.
- existe aussi le larmoiement provoqué par une cause psychologique, une émotion, avec une forte stimulation de la glande lacrymale. A ce moment le calibre des canaux d’évacuation n'est plus suffisant pour évacuer ces larmes et cela déborde, les larmes coulent sur les joues, mais le patient se mouche pour évacuer aussi celles qui sont abondantes dans les fausses nasales.
Mode d'exploration
Au cabinet médical, des tests trés simples :
a) le test de Shirmer qui permet de chiffrer l’importance de la sécrétion lacrymale.
Le médecin ophtalmologiste place une petite bandelette graduée, faite d'un papier spécial buvard, dans le cul de sac inférieur de chaque coté, et attend trois minutes pour chiffrer la sécrétion :
- après une goutte de novésine, collyre anesthésique de surface, pour explorer le larmoiement de base uniquement.
- sans goutte de novésine, pour explorer la sécrétion globale, celle de base et la sécrétion réflexe, provoquée par la sensation de corps étranger.
b) la fluoréscéine
Une goutte de fluoréscéine, colorant orangé, instillée de chaque coté permet d'apprécier le temps de rupture lacrymal, ou " break up Time ", c'est à dire que le médecin ophtalmologiste, après instillation de ce collyre regarde en lumière bleu cobalt, à la lampe à fente, si le film coloré jaune + filtre bleu = aspect vert du film lacrymal, qui normalement se déchire après dix secondes. Si le film lacrymal se déchire avant, cela signifie mauvaise protection par le film gras des larmes, anomalie de quantité ou qualité des larmes.
Ce test très simple permet de mettre en évidence une atteinte patente de l’épithélium, avec un aspect piqueté de la cornée, qui apparait couverte de petits points verts sur tout ou partie de la surface. Il est parfois possible de mettre en évidence des ulcérations ;
Ce test permet également d apprécier la rivière lacrymale, sa largeur, la pente de la paupière inférieure, vers le point lacrymal, ou bien inversé à la suite du relâchement du ligament latéral externe ; il permet également d'apprécier la dynamique des paupières, le clignement complet ou partiel, avec à ce moment une partie de la cornée qui n 'est pas recouverte ( lagophtalmie, ) l existence d 'un ptérygion ou d 'une pinguécula saillante qui sera un obstacle au bon étalement des larmes, etc ....
c) rose bengale
Le colorant rose bengale s’accroche aux cellules sèches de la conjonctives et de la cornée ; c'est un test simple mais douloureux, donc instillation après une goutte de collyre anesthésique, Novésine ou Cébésine, d'autre part, c'est un test ennuyeux pour le patient qui garde la coloration rose de ses yeux pendant les trois jours que dure la résorption du colorant.
d) vert d'Indocyanine
Même rôle de révélateur des cellules sèches que le rose Bengale.
A Paris, au Centre National d 'Ophtalmologie des XV XX, 28 rue de Charenton, 75012.
Le Laboratoire des XV XX est très orienté vers la physiologie et l’analyse du film lacrymal, les problèmes de sécheresse oculaire, et propose, sur prescription médicale deux examens capitaux :
a) l'électrophorèse des larmes
La laborantine applique des rondelles d'oignon (mais si, mais si !!) au niveau de chaque paupière inférieure, dont les vapeurs irritantes vont provoquer le larmoiement du patient (et de la laborantine aussi !!), avec ensuite, recueil des larmes à la pipette stérile, et analyse de la composition des larmes par électrophorèse, par un appareil très sophistiqué, qui va révéler les différents composants des larmes et un éventuel déséquilibre.
b) l’empreinte conjonctivale
Application en conjonctive bulbaire, c’est à dire au niveau du blanc de l'œil d’une petite languette stérile pendant quelques instants, de façon à capturer les cellules de surface de la conjonctive, préparation qui va être fixée par un fixateur et la préparation analysée au microscope, pour rechercher les modifications d’aspect de cellules de surface, au niveau du noyau, avec parfois des modifications en serpent de la chromatine, ou un aspect kératinisé des cellules. Seront également comptées les cellules à mucus, témoins de la sécrétion muqueuse.
A la suite de ces deux examens, sera déterminé le niveau de sécheresse qui va de 0 (larmes normales et pas de modifications de surface, à la classe 2, sécheresse modérée, jusqu’ à la sécheresse de classe 5, avec de graves modifications des cellules, une kératinisation et un aspect "snake like " de la chromatine.
Larmoiement insuffisant = l’œil sec
Le patient vient en consultation d ophtalmologie pour des symptômes très révélateurs pour le médecin :
- Paupières lourdes, fatigue visuelle.
- Impression d'épaississement ou gonflement des paupières.
- Sensations de poussières de grain de sable, de corps étranger sous les paupières.
- Photophobie.
- Difficultés à la fixation de la télévision ou de l'écran, en effet dans ces deux situations, le patient cligne peu devant l'ordinateur.
- Mauvaise tolérance des néons, des fortes luminosités, de la fumée de cigarettes ou des aérateurs de voiture.
- Difficulté à supporter la climatisation, au bureau ou en voiture. Tout ceci est parfaitement logique car la protection de surface de l’œil est modifiée, avec un test de Shirmer diminué ou un BUT diminué ou les deux associés.
- Parfois même le patient a l'impression de larmoyer alors que rien ne coule (larmes de crocodile).
L'enquête
Il s'agit de trouver la cause de cette altération des larmes et il faut se livrer à une enquête policière et à un interrogatoire soigné du patient pour s'orienter sur la ou les causes originelles de cet œil sec.
- l’âge de la patiente, car après la ménopause, il y a diminution des secrétions lacrymales
- la prise de médications à effet atropinique, depuis peu de temps ou depuis longtemps, neuroleptiques, anxiolytiques (et notamment les Benzodiazépines), les somnifères qui vont progressivement installer une sécheresse, comme ont été incriminés les antispasmodiques, les dérivés nitrés retard, certains antihypertenseurs ; Il est capital de prendre connaissance de l’ordonnance du médecin généraliste.
- la notion de problèmes thyroïdiens de découverte récente ou de longue date.
- l’existence associée d'une sécheresse buccale ou vaginale, de sécheresse de la peau ou de la bouche depuis peu
- l’existence ou l'apparition récente de douleurs articulaires ou de type rhumatismales qui vont orienter les recherches vers des maladies de système avec indication à bilan biologique complémentaire.
- l analyse des dernières prises de sang.
- le port ou non de lentilles de contact, leur type, flexible ou molle, la duré e du port des lentilles tout au long de la journée.
Le traitement :
a) bien sur, si une étiologie patente est retrouvée, elle doit être traitée, en parallèle avec un traitement de substitution des larmes insuffisantes, mais cela pose problème avec notamment la prise de neuroleptiques, chez des patients dépressifs car il est souhaitable de garder le traitement général ou de le diminuer progressivement.
b) Le plus important est de faire disparaitre la gène ou les douleurs du patient par un traitement de substitution, par des instillations pluriquotidiennes, 3à6 fois par jour, de larmes artificielles, suivie de celles d'un collyre mucomimétique, qui va imiter le corps gras des larmes, donc un collyre visqueux après le collyre aqueux. Ainsi la structure couche aqueuse plus couche lipidique est reconstituée à la surface de l’œil. J’y associe, au coucher une application large d’une pommade à la vitamine A ou dérivée.
Il est possible d’ajouter des médications per os pour stimuler la sécrétion de mucus type Dioptec ou Mucilarm du soufre, (Sulfarlem S25).
c) les bouchons méatiques ou clous méatiques :
Minuscules bouchons qui permettent d'obturer sous anesthésie locale par collyre, de façon temporaire l’orifice de la pyramide lacrymale, située à l'angle interne de la paupière. Il est habituel de boucher l’orifice inférieur, mais dans les cas rebelles aussi l’orifice de la pyramide supérieure.
De cette façon, les larmes ne peuvent plus du tout s'évacuer dans le canal lacrymal et les fosses nasales.
Le peu de larmes secrétées subsiste, se positionne dans la gouttière lacrymale, mais est étalé par les clignements des paupières à la surface de la cornée.
De la même façon, les collyres instillés ont une bien plus grande efficacité, car restent à la surface du globe bien plus longuement.
La pose se fait, en ambulatoire au cours de la consultation, après une instillation de quelques gouttes de collyre anesthésique, en biomicroscopie. Le praticien utilise un pose clou en forme de stylo , avec d’un coté, le dilatateur qui permet, par des mouvements rotatifs, de dilater l’orifice minuscule du canalicule, et sur l’ autre extrémité, le bouchon méatique, monté sur un mandrin ou support. Après avoir dilaté l’orifice par le dilatateur, en mouvements rotatifs, le bouchon rentre facilement, sans entrer trop profondément, grâce à la collerette dont il est muni et qui l'empêche de pénétrer trop profondément.
La pose est rapide et indolore. Le muscle autour du canalicule se referme autour du bouchon et permet son maintien. Il n 'y a aucuns entretien. Après la pose, le praticien instille un collyre antiseptique.
Il existe différentes tailles de bouchons, du micro au normal, via le mini et différents types de bouchons, à collerette droite ou inclinée, avec ou sans trou central.
Le praticien choisit le modèle et la taille selon l’aspect en lampe à fente et selon l’importance du flux lacrymal à réguler.
De façon générale, les patients sont satisfaits, ne sentent pas le bouchon, sauf si la collerette, ou le bouchon est oblique, ou mal enfoncé, et ainsi frotte sur la cornée. Cela donne généralement une nette amélioration de l’hydratation de surface de la cornée, avec une disparition, ou une nette amélioration des signes cliniques, de grains de poussières ou brulures oculaires.
Les nouveaux collyres
L’Acide hyaluronique, en collyre, sous le nom d'Hylo Comod, Hyabak, Hylovis ou Vismed, est un composant naturel, qui a l’avantage d'une excellente tolérance oculaire, et de persister quelques heures à la surface du globe, créant un film protecteur durable.
Conclusion
Malheureusement, en avançant en âge, la sécrétion lacrymale diminue généralement progressivement, dans les deux sexes, peut être plus tôt chez la femme après la ménopause, et le syndrome sec est extrêmement fréquent, avec des symptômes plus patents en été, avec la chaleur, un milieu sec et l’air climatisé.
Ce syndrome est donc extrêmement fréquent, en pratique quotidienne, avec des signes cliniques banaux et frustres, une irritation mécanique banale mais patente. L’interrogatoire des médicaments régulièrement pris, les deux tests simples de rupture lacrymale à la fluorescéine, et test de Shirmer permettent de l’affirmer formellement.
Il faut insister sur l’importance capitale d'un traitement régulier de collyres de substitution, avec des instillations fréquentes, et une observance régulière, sinon réapparition rapide des signes cliniques et de la gène oculaire originelle.