Une rééducatrice travaillant dans une école primaire demandait aux trois garçons qu’elle avait suivis pour des problèmes de violence lors des récréations, ce qu’ils avaient appris avec elle durant ces séances. L’un d’eux a répondu : « J’ai appris que je ne suis pas le maître du monde ! ». D’un mot, cet enfant avait tout dit.

Cet exemple illustre la possibilité qu’a l’école d’aider les élèves à se construire un cadre de référence compatible avec une vie sociale pacifiée. La pratique de la violence à l’école et autour de l’école est permanente : culture masculine de la bagarre, non-maîtrise des émotions et en particulier de la colère, compétitions, règlements de comptes entre enfants appartenant à des communautés différentes et hostiles entre elles, transferts des conflits de voisinage ou tout simplement recherche de la domination sur autrui en imitation des modèles de la culture familiale ou groupale. Les violences physiques s’accompagnent de violences verbales : défis, provocations, humiliations, dévalorisations de l’autre. Elles créent un climat de persécution nuisible à l’apprentissage et à la vie en commun.

Les enseignants n’ont pas toujours les savoir faire nécessaires pour faire face aux situations de violence. Il faudrait que, dans les classes, la parole puisse circuler à l’occasion de moments privilégiés organisés pour se donner le temps de réfléchir et de penser aux choses importantes : pourquoi il est important de respecter les autres, de respecter l’environnement et de se respecter soi-même ; comment on accepte ceux qui, en apparence au moins, ne pensent pas comme nous ; comment on cherche les points communs de notre commune humanité. Il ne suffit pas d’apprendre à exécuter des consignes et à obéir sagement. Il faut réfléchir. Les adultes de l’école sont aussi concernés.
Ce travail se fait dans la classe, certes, mais aussi avec les rééducateurs des réseaux d’aides spécialisées, dès qu’une action plus en profondeur est nécessaire. C’est pourquoi je trouve dommage que les nouveaux dispositifs d’éducation négligent leur importance.

Comme l’a dit cet enfant, « nous ne sommes pas les maîtres du monde », et nous pouvons, comme l’écrit Eric Berne, prendre « notre carte de membre de l’espèce humaine » et œuvrer pour que la terre soit, le plus possible, un espace pacifié.

 

Paris, 12 avril 2015.