La psychologie du travail et l'analyse psychodynamique des situations de travail. révèle que la personnalité toute entière dans ses composantes physiques, psychiques et psychologiques est mobilisée dans les activités de travail.
Quatre hypothèses peuvent être distinguées :
- quand le choix du métier est conforme aux besoins psychiques du sujet et que ses modalités d'exercice permettent le libre jeu du fonctionnement mental, le travail occupe une place centrale dans l'équilibre psychosomatique et dans la dynamique identitaire. Mais parfois, les contraintes de travail sont pathogènes pour le fonctionnement psychique et l'on ne peut imputer les effets constatés aux seuls facteurs endogènes de personnalité.
- la souffrance psychique liée au travail ne résulte pas uniquement des conditions matérielles de travail, mais de l'organisation du travail (au sens de division du travail, contenu de la tâche, relation de travail).
- cette souffrance psychique n'entraîne pas obligatoirement de troubles mentaux : d'une part, les salariés peuvent lutter pour maintenir leur équilibre psychique en élaborant, souvent collectivement, des stratégies défensives, auxquelles participent parfois les conduites d'addiction, alcoolisme en particulier. D'autre part, les capacités d'élaboration mentale peuvent se trouver débordées et la souffrance s'exprime alors par une somatisation.
- le rapport subjectif au travail et les stratégies défensives se construisent différemment pour les hommes et pour les femmes.
Dans cet exposé, nous aborderons plus spécialement les relations entre organisation du travail et souffrance psychique grâce à l'étude E.S.T.E.V (enquête santé travail et vieillissement) mise en place en 1990.
Cette enquête comprenait 3 questionnaires :
- sur les caractéristiques professionnelles.
- sur les conditions de vie et sur la santé perçu.
- sur l'état de santé actuel avec un examen médical.
Pour évaluer la souffrance psychique, nous sommes partis d'une analyse des 38 items entrant dans la composition de l'indicateur de santé perçue de Nottingham.
Des regroupements sont apparus possibles selon 4 modalités différentes de souffrance psychique.
Une hypothèse possible était leur correspondance avec des caractéristiques différentes de l'organisation du travail.
Ont été retenus comme items :
- pour la solitude : je me sens seul
- pour la lassitude : je me rends compte que plus rien ne me fait plaisir
- pour l'inhibition j'ai du mal à faire face aux événements
- pour l'agressivité : je me mets facilement en colère ces temps-ci
Les 4 variables ont été étudiées en fonction des caractéristiques professionnelles :
- Contraintes organisationnelles dites objectives comprenant les horaires atypiques, le travail répétitif sous contraintes de temps et les contraintes organisationnelles suivantes être obligé de faire plusieurs choses à la fois, de ne pas pouvoir quitter son travail des yeux, devoir détecter des détails très fins, lire des textes mal écrits, être soumis aux exigences du public.
- Des contraintes professionnelles dites subjectives : le travail permet-il d'apprendre des choses, est-il varié, le salarié a-t-il le choix de la façon de procéder, a-t-il les moyens pour faire un travail de bonne qualité (en matériel, information et temps) ?
Les éventuels facteurs de confusion retenus ont été les suivants dans la sphère socio-démographique : l'âge, le sexe, être cadre ou non dans la sphère sociale ; vivre seul ou non et le dynamisme social.
Enfin plusieurs sources de biais éventuels ont été prises en compte en excluant de l'analyse les sujets présentant des maladies mentales au jour de l'enquête et en considérant les signes dépressifs comme facteur de confusion possible.
Aujourd'hui, nous présenterons les résultats relatifs aux deux autres aspects de la souffrance psychique : inhibition et agressivité.
Le pourcentage des sujets qui expriment un vécu d'inhibition augmente de façon significative avec l'âge.
Les femmes salariées sont plus souvent concernées.
Ces résultats vont dans le même sens que les sentiments de lassitude et de solitude. A l'inverse, le pourcentage des sujets qui expriment une propension d'agressivité diminue avec l'âge de façon significative. Cette tendance est plus nette chez les femme où le pourcentage diminue de 27,6 % à 37 ans à 20,3 % à 52 ans.
Nous avons étudié ensuite les relations statistiques entre les facteurs professionnels, l'âge et le vécu d'inhibition.
On constate que l'association avec l'âge persiste après ajustement. Les facteurs associés à une augmentation du risque d'inhibition sont: le fait de vivre seul, de ne pas être cadre, les horaires atypiques actuel ou passé, le travail sous contrainte de temps actuel ou passé, le fait de ne pas pouvoir quitter son travail des yeux. Les facteurs associés à une diminution du risque d'inhibition sont : le dynamisme social,le sentiment que son travail permet d'apprendre, qu'il est varié, qu'on a les moyens et le choix dans la façon de procéder, être soumis aux exigences du public, faire plusieurs choses à la fois, avoir choisi son métier. Pour la propension à l'agressivité, l'association avec l'âge persiste après ajustement sur chaque facteur étudié.
Les facteurs associés à une diminution du risque sont le fait de vivre seul, le dynamisme social, le sentiment que le travail permet d'apprendre, qu'il est varié, qu'on a les moyens pour faire un travail de qualité, le choix dans la façon de procéder et avoir choisi son métier.
Les facteurs associés à une augmentation du risque sont le fait de ne pas être cadre, les horaires atypiques, le travail sous contraintes de temps actuels ou passés, ne pas pouvoir quitter son travail des yeux, être obligé de faire plusieurs choses à la fois.
Pour mettre en évidence le rôle simultané des facteurs étudiés précédemment avec l'inhibition, un modèle de régression logistique linéaire a été mis en oeuvre.
Comme on pouvait s'y attendre, la dépression est un facteur associé aux variables étudiées de souffrance psychique. Dans ces conditions, il est remarquable de constater que
- chez les hommes, dans le sens de l'augmentation interviennent : le fait de ne pas être cadre, les horaires atypiques passés, trouver difficile de ne pas pouvoir quitter son travail des yeux. Dans le sens de la diminution : avoir les moyens de faire un travail de bonne qualité, avoir un travail varié, avoir choisi son métier.
chez les femmes, dans le sens de l'augmentation : le fait de ne pas être cadre dans le sens de la diminution pouvoir apprendre quelque chose, avoir les moyens de faire un travail de qualité, choisir la façon de procéder, avoir choisi son métier .
Le même modèle a été appliqué à l'agressivité
chez les hommes interviennent dans le sens de la diminution : l'âge, le fait de vivre seul, le dynamisme social , avoir les moyens de faire un travail de qualité; dans le sens de l'augmentation s horaires atypiques actuels ou passés, trouver difficile de ne pas pouvoir quitter son travail des yeux:
chez les femmes : dans le sens de la diminution : l'âge, le fait de vivre seule, le dynamisme social et avoir un travail varié et les moyens de faire un travail de qualité. Dans le sens de l'augmentation le fait de ne pas être cadre, le travail sous contrainte de temps actuel et passé, trouver difficile de ne pas pouvoir quitter son travail des yeux. Là encore ces effets persistent en prenant en compte les signes dépressifs.
Les tendances convergentes hommes et femmes sont dans les sphères sociales et socio-démographiques : le vécu d'inhibition s'exprime plus chez les non-cadres et ceux qui n'ont pas de dynamisme social : la propension à l'agressivité s'exprime plus chez les salaries plus jeunes qui ne vivent pas seuls et qui n'ont pas de dynamisme social. Quant aux sphères de travail : trouver difficile le fait de ne pas pouvoir quitter son travail des yeux augmente l'agressivité. Par contre le fait d'avoir les moyens d'effectuer un travail de qualité diminue aussi bien l'agressivité que l'inhibition. Et ce dernier diminue également quand le salarié a choisi le métier qu'il occupait au moment de l'enquête. Quant aux divergences hommes-femmes, parmi les facteurs organisationnels, on retrouve les problèmes d'horaires atypiques chez les hommes et le travail sous contrainte de temps chez les femmes. De même, la perception du vécu du travail se retrouve de façon différente chez les hommes et les femmes.
Ce vécu du travail différent selon le sexe à un rapport avec l'organisation du travail et la division sexuelle au travail et il fera l'objet d'un prochain travail.
Les variables choisies sont-elles bien représentatives de la souffrance physique ?
Elles ont été choisies, après discussion dans le groupe comprenant entre autres une psychiatre, compétente en psycho-pathologie du travail, en fonction des expériences professionnelles et de travaux déjà effectués sur les différentes modalités de la souffrance psychique liée au travail. Ce choix est validé a posteriori par nos résultats qui vont dans le même sens que les connaissances déjà acquises dans le domaine. Tous nos résultats se rapportent à 4 années d'âge bien précises et donc 4 générations d'entrée dans le travail différentes. L'impact des modifications importantes de ces dernières années sur l'organisation du travail, sur la pérennité des emplois pourrait modifier les résultats présentés pour des générations plus jeunes. Cela renforce l'intérêt de l'enquête longitudinale d'E.S.T.E.V. La perception de l'activité de travail exprimée par le salarié contient probablement une forte contrainte cognitive. Mais comme le travail ne se résume pas à la tâche prescrite, l'activité du salarié ne se résume pas au cognitif- l'expression du vécu des salariés dite subjective est un fait objectif dans l'analyse des situations de travail. Peut-on parler sérieusement des rapports santé-travail, de répercussions sur la santé mentale ou psychique des conditions et de l'organisation de travail (notamment des contraintes cognitives) sans prendre en compte le vécu psychique des salariés. Nous n'avons pas encore regardé les interactions âge-facteurs professionnels et les interactions travail-hors travail (entre autre le travail ménager) pour les hommes et les femmes.
Nous avons pu vérifier que certaines composantes de la souffrance psychique sont liées aux facteurs socio-professionnels et socio-démographiques et professionnels. Mais ces liens sont complexes et subtils. La propension à l'agressivité n'apparaît pas liée avec les facteurs professionnels de la même façon que les trois autres composantes étudiées (inhibition, lassitude et solitude). Notre étude montre le rôle important des horaires de travail et du travail répétitif sur la souffrance psychique. De même, ne pas avoir les moyens de travail, ne pas avoir un travail varié, ne pas pouvoir choisir la façon de procéder, ne pas pouvoir apprendre dans son travail semblent associés de façon constante, après de nombreux ajustements à certaines expressions de la souffrance psychique (facteur essentiel de la construction de la santé). S'il peut y avoir dans l'activité mobilisation des compétences cognitives, c'est bien parce qu'est engagé tout entier dans l'action de travail un homme ou une femme, à la fois sujet social et sujet psycho-affectif, non réductible à des mécanismes aussi complexes soient-ils. La notion de charge cognitive examinée dans ses rapports avec la santé au travail ne peut être dissociée de la question du sens du travail pour le salarié et donc de son rapport subjectif au travail, et là se situe également une des clés de son équilibre psychosomatique
le sentiment que son travail permet d'apprendre, qu'il est varié, qu'on a les moyens et le choix dans la façon de procéder, être soumis aux exigences du public, faire plusieurs choses à la fois, avoir choisi son métier. Pour la propension à l'agressivité, l'association avec l'âge persiste après ajustement sur chaque facteur étudié.
Les facteurs associés à une diminution du risque sont le fait de vivre seul, le dynamisme social, le sentiment que le travail permet d'apprendre, qu'il est varié, qu'on a les moyens pour faire un travail de qualité, le choix dans la façon de procéder et avoir choisi son métier.
Les facteurs associés à une augmentation du risque sont le fait de ne pas être cadre, les horaires atypiques, le travail sous contraintes de temps actuels ou passés, ne pas pouvoir quitter son travail des yeux, être obligé de faire plusieurs choses à la fois.
Pour mettre en évidence le rôle simultané des facteurs étudiés précédemment avec l'inhibition, un modèle de régression logistique linéaire a été mis en oeuvre.
Comme on pouvait s'y attendre, la dépression est un facteur associé aux variables étudiées de souffrance psychique. Dans ces conditions, il est remarquable de constater que
- chez les hommes, dans le sens de l'augmentation interviennent : le fait de ne pas être cadre, les horaires atypiques passés, trouver difficile de ne pas pouvoir quitter son travail des yeux. Dans le sens de la diminution : avoir les moyens de faire un travail de bonne qualité, avoir un travail varié, avoir choisi son métier.
chez les femmes, dans le sens de l'augmentation : le fait de ne pas être cadre dans le sens de la diminution pouvoir apprendre quelque chose, avoir les moyens de faire un travail de qualité, choisir la façon de procéder, avoir choisi son métier .
Le même modèle a été appliqué l'agressivité
chez les hommes interviennent dans le sens de la diminution : l'âge, le fait de vivre seul, le dynamisme social , avoir les moyens de faire un travail de qualité; dans le sens de l'augmentation des horaires atypiques actuels ou passés, trouver difficile de ne pas pouvoir quitter son travail des yeux:
chez les femmes : dans le sens de la diminution : l'âge, le fait de vivre seule, le dynamisme social et avoir un travail varié et les moyens de faire un travail de qualité. Dans le sens de l'augmentation le fait de ne pas être cadre, le travail sous contrainte de temps actuel et passé, trouver difficile de ne pas pouvoir quitter son travail des yeux. Là encore ces effets persistent en prenant en compte les signes dépressifs.
Les tendances convergentes hommes et femmes sont dans les sphères sociales et socio-démographiques : le vécu d'inhibition s'exprime plus chez les non-cadres et ceux qui n'ont pas de dynamisme social : la propension à l'agressivité s'exprime plus chez les salaries plus jeunes qui ne vivent pas seuls et qui n'ont pas de dynamisme social. Quant aux sphères de travail : trouver difficile le fait de ne pas pouvoir quitter son travail des yeux augmente l'agressivité. Par contre le fait d'avoir les moyens d'effectuer un travail de qualité diminue aussi bien l'agressivité que l'inhibition. Et ce dernier diminue également quand le salarié a choisi le métier qu'il occupait au moment de l'enquête. Quant aux divergences hommes-femmes, parmi les facteurs organisationnels, on retrouve les problèmes d'horaires atypiques chez les hommes et le travail sous contrainte de temps chez les femmes. De même, la perception du vécu du travail se retrouve de façon différente chez les hommes et les femmes. Ce vécu du travail différent selon le sexe à un rapport avec l'organisation du travail et la division sexuelle au travail et il fera l'objet d'un prochain travail
Les variables choisies sont-elles bien représentatives de la souffrance physique ?
Elles ont été choisies, après discussion dans le groupe comprenant entre autres une psychiatre, compétente en psycho-pathologie du travail, en fonction des expériences professionnelles et de travaux déjà effectués sur les différentes modalités de la souffrance psychique liée au travail. Ce choix est validé a posteriori par nos résultats qui vont dans le même sens que les connaissances déjà acquises dans le domaine. Tous nos résultats se rapportent à 4 années d'âge bien précises et donc 4 générations d'entrée dans le travail différentes. L'impact des modifications importantes de ces dernières années sur l'organisation du travail, sur la pérennité des emplois pourrait modifier les résultats présentés pour des générations plus jeunes. Cela renforce l'intérêt de l'enquête longitudinale d'E.S.T.E.V. La perception de l'activité de travail exprimée par le salarié contient probablement une forte contrainte cognitive. Mais comme le travail ne se résume pas à la tâche prescrite, l'activité du salarié ne se résume pas au cognitif- l'expression du vécu des salariés dite subjective est un fait objectif dans l'analyse des situations de travail. Peut-on parler sérieusement des rapports santé-travail, de répercussions sur la santé mentale ou psychique des conditions et de l'organisation de travail (notamment des contraintes cognitives) sans prendre en compte le vécu psychique des salariés. Nous n'avons pas encore regardé les interactions âge-facteurs professionnels et les interactions travail-hors travail (entre autre le travail ménager) pour les hommes et les femmes.
Nous avons pu vérifier que certaines composantes de la souffrance psychique sont liées aux facteurs socio-professionnels et socio-démographiques et professionnels. Mais ces liens sont complexes et subtils. La propension à l'agressivité n'apparaît pas liée avec les facteurs professionnels de la même façon que les trois autres composantes étudiées (inhibition, lassitude et solitude). Notre étude montre le rôle important des horaires de travail et du travail répétitif sur la souffrance psychique. De même, ne pas avoir les moyens de travail, ne pas avoir un travail varié, ne pas pouvoir choisir la façon de procéder, ne pas pouvoir apprendre dans son travail semblent associés de façon constante, après de nombreux ajustements à certaines expressions de la souffrance psychique (facteur essentiel de la construction de la santé). S'il peut y avoir dans l'activité mobilisation des compétences cognitives, c'est bien parce qu'est engagé tout entier dans l'action de travail un homme ou une femme, à la fois sujet social et sujet psycho-affectif, non réductible à des mécanismes aussi complexes soient-ils. La notion de charge cognitive examinée dans ses rapports avec la santé au travail ne peut être dissociée de la question du sens du travail pour le salarié et donc de son rapport subjectif au travail, là se situe également une des clés de son équilibre psychosomatique.