Addiction au Sport - Présentation
La pratique excessive du sport apparaît depuis quelques années comme une récente forme d’addiction sans drogue. Comme pour d’autres comportements addictifs, on peut considérer que l’addiction sportive commence par des excès, par la recherche de sensation de plaisirs et désinhibition à travers la pratique sportive, qui va aboutir à un besoin irrépressible et dans certains cas des signes de sevrage, comme c’est le cas pour les dépendances à un ou plusieurs produits psychoactifs (tabac, alcool, héroïne, …).
Communément, le sport recouvre deux catégories :
- le sport loisir, détente, concernant la grande majorité des sportifs avec une fréquence de quelques heures par semaine et dont le but n’est pas forcément d’établir des performances ;
- le sport régulier et intensif.
Les enfants représentent plus de la moitié des licenciés sportifs. Pour eux, le sport pratiqué de façon modérée (moins de 10 heures par semaine) est incontestablement bénéfique tant sur le plan physique, intellectuel que psychologique.
La détection précoce de futurs champions potentiels chez qui on note des aptitudes conduit certains de ces jeunes à espérer atteindre le sport de haut niveau et réaliser une carrière de succès aux diverses compétitions.
Mais un prix est à payer : l’entraînement intensif qui mobilise tout le temps libre, la répétition des compétitions de plus en plus relevées, l’éloignement du milieu familial conduisent certains jeunes à ne vivre que pour le sport.
Être sportif de haut niveau nécessite un investissement sans mesure et l’acceptation d’un processus intrapsychique lié à la transformation corporelle, résultat d’une pratique intense et de longue durée.
Combien de sportifs de haut niveau n’ont-ils pas sacrifié leur jeunesse. La reconnaissance de leurs efforts, des années de galère et de sueur arrivent, le cas échéant et pour les meilleures d’entre eux, sous formes de médailles, d’applaudissements et de contrats publicitaires mirobolants : c’est la rançon de la gloire.
Le sportif de haut niveau cherche sans cesse l’idéal de la perfection, de l’harmonie.
Nous ne parlons pas ici du sportif « du dimanche » qui fait une activité sportive pour se faire plaisir et non pour établir des performances si ce n’est des personnelles.
Mais même dans ce type de public une dépendance insidieuse peut se mettre en place. Le sportif rentre alors dans un système de lutte personnelle : « je peux faire mieux que la dernière fois », pour cela une seule solution, fournir plus d’efforts.
Il existe différentes façons de pratiquer une discipline sportive. Elle est excellente pour la santé lorsqu'elle est modérée, lorsqu'elle est pensée sans esprit d'excès ni de compétition.
De la même façon que nous évoquons les vertus protectrices d'un verre de vin sur les maladies cardio-vasculaires, nous dénoncerons l'abus d'alcool et les risques graves qui en découlent. Il est cependant difficile de quantifier, en termes de temps les limites à ne pas dépasser pour que le sport reste profitable.
L'abus de sport, l'hyperactivité physique, comme tous les abus, peuvent être nocif pour la santé.
Comment peut se manifester cette addiction ?
Pour certains sportifs, la répétition d’enchaînements, l’accoutumance du corps au mouvement, la ritualisation et la répétition obsessionnelle ou compulsive des gestes peuvent prendre une dimension compulsive voire addictive au geste. Ces sportifs ressentent la nécessité de remplir un vide de la pensée ou un vide affectif.
Pour une partie de sportifs de haut niveau, le sport interviendrait de la même manière qu’un stupéfiant comme remède à une souffrance corporelle et/ou psychique.
Ainsi, le sport, pratiqué au quotidien de manière répétitive, empêcherait l’apparition de « la pensée douloureuse » et l’anesthésierait comme peut le faire l’héroïne.
Sport, dopage et dépendance.
A priori, rien ne prédispose sport et l’usage de drogues à se rencontrer. Ces deux notions semblent antinomiques, contradictoires.
Pour beaucoup, l’usage de drogue est synonyme d’aliénation et d’échec, alors que le sport signifie maîtrise du corps, dépassement de soi, puissance et réussite.
Mais les récentes affaires de dopage, les révélations sur les pratiques médico-sportives, la présence d’une proportion importante d’anciens sportifs de haut niveau dans les centres de prises en charge d’usagers de drogues sont autant de passerelles entre le monde du sport et celui de la drogue.
Et ce d’autant plus que des « affaires » récentes secoue le monde sportif : le suicide de Pantani, la cocaïnomanie de Maradona, les scandales à répétition sur les différents tour de France (Armstrong, Landis, Virenque,…), le dopage et les grands de l’athlétisme (Jones, Gatlin, …).
Le "sport spectacle", le culte de la performance, la réussite à tout prix, à n’importe quel prix, pousseraient les sportifs de haut niveau à utiliser des produits dopants.
Quelques chiffres :
En France, 15% des hommes pratiquant plus de huit heures de sport par semaine (il ne s’agit donc pas là de sportif de très haut niveau) ont testé des drogues dures contre 10% des Français du même sexe. Pour les femmes, ce chiffre est de 16% contre 6%.
Les recherches ont montré une corrélation entre la pratique intensive d’une activité physique et une série d’effets pervers, comme une surconsommation d’alcool, de médicaments psychoactifs et des drogues ou des troubles du comportement alimentaire.
Pratiques de sport et dépendance
Les comportements de dépendance se manifestent surtout dans des périodes difficiles pour les sportifs, comme lors de performances minimales à établir, lors de blessures, quand les résultats tant espérés n’arrivent pas ou lors de la retraite.
Pratiqué avec excès, le sport peut être le signe d’un comportement pathologique.
En effet, la pratique intensive du sport provoque une mécanisation de l’organisme avec tous les phénomènes de dépendance physiologique (liée à la sécrétion d’endorphines) mais aussi psychologique que cela induit.
Ainsi, le sport induirait, d’une part une perturbation du « dialogue » entre le cortex cérébral (siège des fonctions cognitives autrement dit les pensées, croyances et interprétations) et les structures sous corticales (jouissance et acte sportif).
Or, dans l’une de ses structures existe l’aire segmentale ventrale impliquée dans les phénomènes de pharmacodépendance.
D’autre part, l’exercice physique entraîne une modification globale de la production d’hormones (Dopamine, endorphine, adrénaline, etc…) et de neurotransmetteurs, qui sont également présents dans le cas de consommations de drogues.
L’exigence du dépassement de soi pousse le sportif de haut niveau à être mieux que lui-même ou autrement que lui-même.
Pour Frédéric Nordmann, ancien nageur de haut niveau, « son existence est souvent subordonnée voire sacrifiée à l’objectif de la réussite à tout prix : victoire ou record ».
L’athlète devient prisonnier d’un système dans lequel il se doit de gagner sous peine d’être exclus, puisque le monde dans lequel il évolue se restreint souvent à celui de son club, de son entraîneur et de ses camarades d’entraînement.
L’échec du sportif confronté à ses limites, à l’impossibilité d’atteindre le sommet alors que d’autres y parviennent, est rarement pris en compte et ne fait pas l’objet d’un suivi psychologique particulier.
Patrick Laure, spécialiste du dopage, précise qu’effectivement la fin d’une carrière sportive est vécue par certains sportifs comme une sorte de mort.
Comme le souligne, Paul Yonnet, sociologue et essayiste français, spécialiste du sport, le vrai risque du sport de haut niveau, c’est, avant le dopage, le sport de haut niveau lui-même.
Cette course à la performance est une des raisons de l’utilisation de produits dopants. Ce phénomène de recours à la « potion magique » existe depuis très longtemps et ne concerne pas seulement le monde sportif. Dans les entreprises, un cadre sur cinq est aujourd’hui « dopé ».
En 1997, les responsables du centre Monte-Cristo, CSST à Paris, qui prend en charge des toxicomanes, avaient constaté une sur représentation d’anciens sportifs parmi les patients accueillis.
Quels sont les produits utilisés ?
Il existe un grand nombre de produits dopants et les techniques varient en fonction des effets escomptés. Les produits les plus fréquemment utilisés sont les corticoïdes, les anabolisants, l’hormone de croissance, l’érythropoïétine – E.P.O. (hormone peptidique naturellement secrétée par le foie et les reins, qui accroît le nombre de globules rouges et donc la quantité d’oxygène à disposition des tissus), les transfusions sanguines.
Les produits masquant, souvent évoqués, servent essentiellement à cacher lors des contrôles l’utilisation de produits interdits.
A l’heure actuelle, dans le sport de haut niveau, l’usage de plusieurs substances est devenu la règle, que ce soit pour bénéficier de la synergie des effets, masquer l’usage d’une substance par une autre, ou atténuer des effets secondaires gênants. La pratique sportive intensive développe alors une pharmacodépendance qui peut aller jusqu’à la toxicomanie.
Le simple arrêt de la carrière sportive n’est souvent pas suffisant pour que le sportif puisse se passer des produits dopants, bien au contraire, il risque alors de plonger dans des produits encore plus forts par déprime, pour combler un vide ou pour compenser un véritable manque d’endorphines.
Drogues et sport : deux enquêtes récentes
Deux enquêtes récentes mettent en lumière une proportion importante d’anciens sportifs parmi les patients accueillis dans les centres de prise en charge des toxicomanes (CSST).
Ainsi, au centre méthadone de l’hôpital Laënnec, à Paris, la question de la toxicomanie en milieu sportif n’est plus anecdotique.
Le Dr Lowenstein témoignait que « parmi les 300 usagers de drogués chroniques que nous suivons, nous avons un nombre notable (un peu moins de 30) d’anciens sportifs de haut niveau, pour lesquels l’héroïne a relayé une pratique sportive qui avait fonctionné comme une première drogue ».
Pour ce spécialiste, le sport interviendrait de la même manière qu’un stupéfiant, comme remède à la souffrance corporelle et/ou psychique.
D’un côté, le sport, pratiqué au quotidien comme une mécanique répétitive, empêcherait la « pensée douloureuse » et l’anesthésierait comme peut le faire l’héroïne. De l’autre, le dépassement des limites physiques provoque la sécrétion de véritables drogues intérieures, les endorphines.
« Quand on voit un marathonien qui se creuse et devient famélique, la similitude avec le « junkie » qui maigrit au fil des années est frappante. Entre les deux, il y a un élément commun qui s’appelle les endorphines. Des substances secrétées par le corps qui active des récepteurs spécifiques.
Ces « drogues intérieures » sont stimulées par l’effort intensif. Le fameux « second souffle » du marathonien correspond à cette sécrétion d’endorphines, qui se produit uniquement quand le coureur à ressenti la douleur.
Ensuite, il ne sent plus sa souffrance… Les endorphines ont un effet semblable à celui de la morphine. On peut faire le lien avec « maman héroïne », une substance qui finalement permet de vivre sans avoir à penser, sans craindre la douleur, sans avoir peur de la mort. Le toxicomane comme le sportif vivent dans un cocon total » explique le Dr Lowenstein.
• Sur les cent derniers patients recueillis au centre Monte-Cristo, vingt étaient des sportifs ayant eu une pratique sportive intensive de haut niveau. Cette cohorte était composée de 75% d’hommes, treize disciplines sportives étaient représentées, avec des athlètes pratiquant un sport individuel (40%) ou un sport collectif (60%).
La consommation d’héroïne avait débutée pendant la pratique sportive dans la moitié des cas, et s’accompagnait d’usage de produits dopants (amphétamines, anabolisants) pour onze d’entre eux, voire d’autres stupéfiants (cannabis, cocaïne) pour certains.
• Le centre Nova-Dona (CSST) à Paris XIVème, a également lancé une étude « Sport et toxicomanie » auprès de ses patients. Le questionnaire permet de relever les pratiques intensives de sport, supérieures à deux heures par jour, indifféremment du niveau de compétition atteint.
Sur 50 patients interrogés, la moitié a pratiqué, selon ce critère, un sport de façon intensive. Parmi ces sportifs, 68% ont commencé à consommer de l’héroïne régulièrement après avoir arrêté le sport (16% avant la pratique du sport, 16% pendant).
La moitié d’entre eux reconnaît avoir consommé d’autres produits licites ou illicites pendant l’activité sportive (cannabis, alcool, cocaïne, par ordre décroissant de consommation) et pratiquaient des sports très différents.
Ces résultats posent la question tant au niveau du suivi psychologique et médical éventuel au moment de l’arrêt de la pratique intensive du sport, qu’elle soit de haut niveau ou pas, et enfin l’intégration du dopage comme forme de conduite addictive.
Comment passe-t-on du produit dopant à la drogue ?
Il y a selon F. Nordmann trois moments privilégiés. « D’abord, il y a la blessure. Et là, il a mal dans son corps comme dans sa tête. Il est soigné. On lui donne beaucoup de médicaments et des doses importantes d’anesthésiants. Le passage à la toxicomanie peut être très rapide.
Il y a ensuite l’échec, et personne n’est là pour la gérer. On s’occupe des gagnants, on ne prend jamais en charge les perdants. Pourtant, le sport fabrique plus de perdants que de gagnants !
Enfin, il y a l’arrêt. Il suffit de regarder les anciens sportifs ; en général ils boivent et fument beaucoup, certains deviennent toxicomanes. À l’arrêt de l’activité sportive, comment compenser la sécrétion moindre d’endorphines et l’apparition de la douleur ? »
« La légende veut que les sportifs soient des gens invulnérables. En fait, ils sont extrêmement fragiles car ce sont des gens de l’extrême ».
L’avenir est préoccupant, puisque les centres de formation de jeunes, toutes disciplines confondues, les sections sports-études sont de plus en plus nombreux et avec eux des générations de déçus ; il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus.
Le problème du dopage touche effectivement les sportifs de haut niveau mais aussi les sportifs amateurs qui sont de plus en plus jeunes lorsqu’ils emploient ces substances et de moins en moins encadrés.
Il paraît donc important de mettre en place, dans le cadre de la lutte antidopage, des actions de prévention pour informer les quelques 13 millions de pratiquants de sport en France.
Quelles solutions au dopage ?
Une politique de prévention, de lutte menée par les pouvoirs sportifs est indispensable. Elle se base actuellement sur des contrôles qui peuvent donner lieu à diverses sanctions. L’application de la loi est certes nécessaire mais en aucun cas suffire.
Depuis 1999, il a été créé des antennes médicales régionales de prévention et de lutte contre le dopage, centres d’accueil pour les sportifs concernés. Les médecins seront tenus de leur transmettre, de façon anonyme, les constatations qu’ils auront faites lors de consultations de sportifs. Les médecins ont un rôle important à louer dans ce dispositif.
La prévention doit permettre d’informer les sportifs amateurs ou de haut niveau, et non seulement sur les produits, leurs compositions chimiques, leurs effets et leurs conséquences sur l’organisme mais aussi sur les différents usages, occasionnel, nocif ou abusif.
Les actions de prévention passent certainement par la formation de bénévoles et des cadres des associations sportives afin qu’ils diffusent l’information à leurs licenciés et préviennent ces conduites à risques chez les jeunes.
Le Ministère de la Jeunesse et des Sports a mis en place un numéro vert, anonyme et confidentiel, pour informer et aider tous les sportifs : ECOUTE DOPAGE 0 800 15 20 00 et un site internet « ecoutedopage.fr ».
En 8 années d’activité, ce numéro vert a recueilli les « confessions », écouté les angoisses et répondu aux questions de plusieurs dizaines de milliers interlocuteurs dont la moitié sont des mineurs. Un premier bilan permet d’établir qu’aucune discipline et aucune génération n’échappe au dopage.
La plupart (30%) s’interrogent sur la créatine, beaucoup consomment du cannabis (21%) et d’autres (16%) utilisent des corticoïdes, des anabolisants ou de l’érythropoïétine (EPO).
Ce numéro vert n’est pas une solution au problème du dopage, mais une sorte d’observatoire des conduites à risques, qui permet aux institutions d’accéder à une meilleure connaissance d’un phénomène.
Comme le souligne P. Yonnet, sociologue, « les vrais risques du sport de haut niveau ou du sport amateur, c’est, avant le dopage, le sport de haut niveau lui-même ».
Et comme toujours, si vous avez un problème de dépendance au sport ou aux produits de dopage, il n’y a que vous qui pouvez le régler mais…vous n’êtes pas obligé de le régler seul !!!
Parlons-en ensemble.
Je vous souhaite de prendre bien soin de vous & des autres,
Olivier Kramarz
Life Coach Addictologue
coach.addictologue@gmail.com