Il existe une très grande bibliographie sur l’addiction et une bibliographie non négligeable en matière de coaching bien que moindre en raison de la jeunesse de la discipline. En revanche, lorsque l’on se met à rechercher des textes associant les 2 sujets, à part quelques articles anglo-saxons trouvés sur Internet, il semblerait qu’ils brillent par leur absence.

La première raison qui vienne à l’esprit, c’est que le coaching ne s’associe pas à l’addiction puisque l’addiction est synonyme de pathologie et que le coaching, dans sa vision la plus connue, est la « thérapie des gens bien portants ».

Mais un paramètre commun apparaît rapidement, c’est l’aspect de prise en compte des comportements. Dans les deux matières, l’ingrédient constitutif est le même : un comportement à changer. Et dans la pratique, on s’aperçoit que de nombreux soignants en Addictologie utilisent des outils de coaching, mais associées à d’autres pratiques et en utilisant un autre vocabulaire.

Un célèbre psychiatre-psychothérapeute reconnaissait récemment : « Moi aussi, j’en fais du coaching, mais j’appelle ça autrement ! ». Et bien sûr, l’inverse est exact.

La plupart des praticiens qui prennent en charges des addicts comportementaux reconnaissent que les thérapies les plus efficaces en matière d’atteinte et de maintien de l’abstinence sont les Thérapies Cognitives et Comportementales (TCC). Mais nombreux sont ceux qui reconnaissent que, utilisées seules, les TCC soignent bien les troubles de la personnalité mais révèlent rapidement quelques limites au niveau comportemental.

En revanche, associées à une thérapie analytique, aidées par une approche corporelle et la participation à des groupes d’auto-support, les cas de rechutes sont moins nombreux et le pourcentage de rétention dans l’abstinence du comportement addictif est plus élevé.

En fait lorsque l’on accompagne le sujet en dehors du cabinet du psy, on se rend compte que le psy a répondu aux questions : « Pourquoi et comment j’en suis arrivé là ? », mais quand le sujet sort du cabinet, la question qui vient à l’esprit d’une personne dont toute la vie a été orientée sur elle-même et sur son objet d’addiction, c’est souvent : « Et maintenant, je fais quoi, je vais vers où ?».

Et c’est là qu’apparaît la notion primordiale de l’apport du coaching à l’addict, l’aide à la détermination de l’objectif de vie et de la motivation profonde.

Le coach va aider le sujet à aller de sa situation A : « Où j’en suis aujourd’hui dans ma vie » vers une situation B : « Où je veux être dans ma vie demain ».

Le terme qui, par suite, va rapprocher le coaching et les addictions est le mot « changement ». En effet, l’addict sorti du déni aimerait changer et le coach est un catalyseur de transition, un accompagnateur de changement. Et le premier changement pour une personne addict est de devenir abstinente de son comportement addictif conscient.

La première phase du coaching dans un objectif de rétablissement d’un comportement addictif sera donc d’aider l’addict à devenir abstinent pour ensuite pouvoir l’accompagner dans le maintien de cette abstinence en reconstruisant avec lui une trajectoire de fonctionnement sans obsessions, sans compulsions, sans passages à l’acte addictif. Il s’agira aussi de prévenir la rechute (ou de mieux l’accepter le cas échéant) en créant des repères de reconstruction et de sécurité auxquels l’addict pourra se référer au moment de traverser les émotions ou les sentiments qu’il ressent dans sa vie quotidienne et qu’il traversait auparavant grâce à la « défonce ».

Le coaching personnel (ou life coaching) va accompagner la personne addict au-delà de l’abstinence, là où la réalité des objectifs atteints et des succès réalisés lui paraissaient inatteignables. On sait que les projections mentales d’objectifs non-atteints et de potentiels non-exploités sont une menace pour l’abstinence de la personne engagée dans une conduite addictive (Les « j’y arriverais jamais », « moi, c’est pas pareil » et autres « c’est pas possible »).

Ces personnes se maintiennent enfermées dans des exigences cognitives sans réelles solutions du genre « je dois rester abstinent » ou « il faut que je prenne soin de moi ».
Pendant des années elles restent en « mode problème », nécessitant une « réparation » quotidienne.

Pour ces personnes il n'y a pas de victoire de « l’après-dépendance » puisque le seul but à atteindre est de rester abstinent pendant les prochaines 24h. La crainte de tomber du wagon peut alors empêcher le wagon de s’arrêter dans une gare nouvelle.

Le life coaching peut casser ce disque rayé qui passe et repasse en boucle la chanson du problème et accompagner la personne vers la pensée d’un futur des rêves réalisés et des objectifs atteints, au lieu de rester dans la vision de son passé destructeur et dysfonctionnel.

C’est mon opinion que pour un coach accompagnant un addict, il n’est pas question de nier l’utilité de la thérapie conventionnelle. Mais ce travail est nécessairement accaparé par la prévention des rechutes en présupposant le dérapage, en travaillant à partir de la souffrance et des difficultés, et d’après les raisons probables de la perte de contrôle, jugeant la personne responsable de ses comportements, et traitant la myriade de problèmes qui se produiront dans le rétablissement de chaque personne, en dessinant un itinéraire prévisionnel, et en surveillant le cours du traitement supposé assurer une vie « fonctionnelle » malgré l’addiction.

L’addiction est traitée comme une maladie « diagnostiquable » d’après des modèles médicaux et cliniques. On regarde le passé et l’expérience afin d’atteindre un certain fonctionnement dans le présent.

Mais, comme l’écrivait Confucius (551 - 479 av. J-C.) : « L’expérience est une lanterne que l’on porte accrochée dans le dos, et qui n’éclaire que le chemin parcouru ». Le coaching va servir à l’addict pour s’éclairer dans le chemin qu’il choisit de parcourir ici, maintenant et devant lui.

Aujourd’hui, l’évolution du coaching a même fait entrer les coachs de la philosophie de « l’ici et maintenant » à celle du « now and how », le « maintenant et comment ».

Le life coaching en matière d’addiction ne suggère pas que la thérapie soit remplacée ou modifiée, mais, plutôt, complétée et suivie.

La psychothérapie généralement traite des problèmes anxieux, comportementaux et des situations disruptives - comme les conduites addictives - et cherche à faire fonctionner la personne normalement en se concentrant sur son dysfonctionnement. Ce contexte peut maintenir la personne de manière permanente dans le rétablissement, lui imposant inconsciemment une limite à découvrir, à créer et à accomplir une vie « parfaite ».

Le coach voit généralement venir à lui des personnes qui fonctionnent normalement mais qui veulent progresser dans leur fonctionnement tout en se créant une vie dans laquelle elles pourront se réaliser. Dans cette optique le coaching va aider les addicts à aller au-delà des solutions de réparations de vie, en proposant aussi des solutions de créations de vie.

Le life coaching a aussi pour objectif d’aider des personnes qui ont déjà une « mesure du succès » dans leur vie, mais qui veulent établir le lien entre où elles en sont et où elles veulent aller dans leur profession et leur vie privée. Cette « mesure du succès » pour la personne addict, c’est son abstinence actuelle, et c’est un « endroit émotionnel » stable et sécurisant. Avec le coaching, cet endroit devient un espace d’espérance et de possible, au lieu d’être simplement un endroit de fonctionnement.

La philosophie de base derrière le life coaching est que chaque personne possède en elle les ressources inexploitées de l'énergie, de la sagesse, de la capacité et du succès, et que ces ressources n’attendent que d’être mises en « position marche ». L’individu peut créer la vie qu’il veut vivre, plus rapidement et plus facilement en ayant un entraîneur qui l’aide à trouver et à utiliser ses ressources pour faciliter le changement et pour réaliser son potentiel.

Coacher une personne c’est lui montrer ce qu'elle peut faire au lieu de se concentrer sur ce qu'elle ne peut pas faire (sa faiblesse).

Le coaching a une approche systémique, c’est-à-dire qu’il prend en compte en même temps l’ensemble des données concernant la personne (son corps, ses émotions, ses motivations, ses comportements, sa vision de la vie) et qu’il agit simultanément sur le plan Personnel, Familial et Social. Il va donc s’attacher à générer des bénéfices autant matériels qu’humains.

Voici un début de liste des différents apports qu’il peut amener à un addict. Certains bénéfices paraissent plus adaptés au coaching professionnel, mais restent valables pour l’addict si on lui adapte le vocabulaire :

- Améliorer son affirmation de soi face à une personne, un lieu ou un objet à risque ;

- Faciliter la communication et la prise de responsabilités ;

- Soutenir, faciliter et amener des initiatives, éclairer, apporter des idées, stimuler la créativité, révéler les styles et les talents cachés ;

- Valoriser, libérer son potentiel, révéler ses valeurs, mieux connaître ses points forts et s’affirmer ;

- Identifier les leviers pour contourner les résistances, gérer les conflits et le stress ;

- Créer de meilleures relations, diminuer le poids affectif, acquérir une plus grande tolérance, une entente, une assurance, une confiance et une estime de soi ;

- Accompagner pour réussir lors d’un enjeu important et savoir comment changer de job voire d’activité ;

- Mieux envisager sa vie future et la construire, aller vers un état de sérénité ;

- Minimiser les pensées et les croyances polluantes, négatives, voire même les supprimer et avoir une vision plus objective ;

- Servir de catalyseur, permettre de modifier certains de ses comportements, être mis devant ses propres contradictions, se redonner une capacité de réaction et d’action rapide et juste ;

- Bénéficier d’un temps d’arrêt, d’une remise en question, d’une prise de recul, avoir un regard neuf, non-expert, non-autoritaire, clarifier ses objectifs, aider à se poser les bonnes questions pour élaborer des solutions ;

- Apporter un développement personnel, permettre de mieux comprendre ses modes de fonctionnement et s’assurer de prendre une bonne direction ;

- Identifier ses résistances, ses blocages intérieurs, faire émerger les non-dits, accepter ses faiblesses, remettre en question les éléments ancrés ne correspondant plus et trouver un autre mode de fonctionnement ;

- Devenir capable de trouver les solutions, de dépasser l’échec éventuel et de devenir plus indépendant et autonome ;

- Ne plus avoir peur du changement, susciter de l’espoir, du courage pour retrouver la passion, changer de climat, se donner les moyens d’avoir une vie heureuse et épanouissante;

- Retrouver la dynamique de l’action, faire face à l’obstacle, se mettre ou se remettre en mouvement, satisfaire les réels besoins et redonner un élan à sa vie ;

- Moins intellectualiser, lâcher sa rigidité et retrouver sa spontanéité ;

- Classer les priorités, mieux gérer son temps, simplifier les problèmes, savoir prendre des décisions ;

- Apaiser les doutes intérieurs et apprendre à faire confiance à ses instincts naturels, à son intuition, à respecter ce que l’on ressent, à retrouver le contact avec le désir ;

- Parler librement et se permettre d’être fidèle à soi-même à 100 % ;

- Équilibrer, harmoniser, relier le plan Personnel, Familial, Professionnel et trouver un intérêt dans chacun de ces plans.

 

Le coaching va essayer de montrer une ouverture inattendue à une situation difficile.
Il sert de guide sur le chemin du changement en apportant une ouverture dans les parois qui séparent les différents contextes dans lesquels la personne évolue. Il apporte concrètement une progression et un changement dans tous les domaines de la vie. Il va faire ressortir certains liens, que la personne n’a jamais eu, ou perdus, et qui en se constituant contribuent à clarifier ses valeurs et ce vers quoi elle souhaite aller.

Ce peut être une démarche anticipatrice, afin de préparer à une première expérience d’arrêt du comportement addictif. Ce peut être une démarche constructive pour aider à bâtir une identité et améliorer ses performances, résolutive pour régler un conflit ou des problèmes, ou même préventive : préparer sa vie « clean », faire muter ses points faibles.

Le cœur du métier de coach est une alchimie entre le savoir-faire, le savoir-être et la situation qui révèle, tel un miroir, tous les modes de fonctionnement de l’addict, afin qu’il voit non plus uniquement les obstacles, mais aussi les opportunités à saisir et surtout…l’objectif !

Le développement de cette aide qu’est l’accompagnement en coaching crée un contexte qui permet à l’addict, non seulement la révélation de toutes ses potentialités, mais aussi l’identification du chemin à parcourir avec les moyens pour atteindre ses objectifs.

Il provoque un changement radical dans la perception que la personne a d’elle-même, des autres et des situations qu’elle rencontre. Elle montre à l’addict une nouvelle vision de sa réalité.

Le coaching va essayer d’être comme un coup de vent qui arrive à l’intérieur de la personne addict. Il est là aussi bien pour faire du nettoyage, pour « déconstruire » le comportement addictif, que pour lui rappeler ce qui est essentiel. Cette clarification va lui permettre de revoir sa vie sous un autre angle, avec une autre ouverture, avec des ambitions souvent différentes, voire même parfois à l’opposé de ses anciens schémas de fonctionnement et de ses anciennes actions quotidiennes.

En effet, l’éclairage que peut favoriser le coaching aide souvent à mieux comprendre que la lutte, les problèmes, les douleurs ne se situent pas à l’extérieur de la personne, que cela ne concerne pas ses collègues de travail, ni les membres de sa famille, ni ses voisins, ni les informations télévisées, mais que tout cela est en écho avec ce qui se passe à l’intérieur d’elle, avec ses propres schémas de fonctionnement.

Le coaching va donc apporter un mouvement qui va permettre à la personne non plus de se battre contre l’extérieur, mais au contraire de chercher à l’intérieur d’elle une nouvelle compréhension.

Cette ouverture va lui permettre d’identifier l’enseignement contenu dans les situations qu’elle vit, dans lesquelles elle se met, afin de voir et de comprendre ce qui se joue en elle. L’addict devient plus conscient de son mode de fonctionnement personnel.

L’addict est alors à même de commencer à choisir consciemment de répéter ses schémas par réaction ou, au contraire, de comprendre le sens de chaque chose. Ensuite il peut passer par l’acceptation, pour lâcher prise, et finalement agir vers des directions où il commence à être libre, libre de s’abstenir de son comportement addictif.

La boucle est alors bouclée, et si l’on prend la définition de l’addiction de Fouquet à l’envers : si la personne a retrouvé la liberté de s’abstenir, elle n’est plus addict.

Enfin, on remarque que, par leur complémentarité au niveau méthode d’accompagnement et au niveau des période-cibles, « passé-présent » pour le psy et « présent-futur » pour le coach, il est vain et inutile que chacun possède les compétences de l’autre.

En effet, on sait que l’addition des compétences de plusieurs personnes sera beaucoup plus efficace que le regard d’une seule. L’addict se sentira forcément davantage pris en charge par une équipe que par une seule personne.

Des expériences différentes seront toujours plus bénéfiques à la personne qu’une seule et l’expression de ressentis, feedback et encouragements de champs différents orientés en collaboration vers la même direction seront toujours plus enrichissants que ceux d’un seul individu.

En la matière, l’adage populaire « L’union fait la force » se révèle, selon moi, confirmé.

 


Olivier Kramarz
Life Coach Addictologue (coach.addictologue@gmail.com)