Attention : Cet outil requiert des conditions favorables d’environnement et de tranquillité émotionnelle pour son utilisation. Comme toujours, notez la date, l’heure, le lieu, la posture, l’état émotionnel et physique dans lesquels vous effectuez cette utilisation. Évitez soigneusement le travers consistant à utiliser cet outil en fonction de votre idéal et non en fonction de ce qu’est réellement votre action, besoin, réflexion ou senti profond, spontanément, à l’instant présent. Enfin, dites-vous qu’il n’y a pas de bon coaché ou de mauvais coaché, l’important et l’utile, ce sont les questions que vous vous posez et les actions que vous enclenchez pour utiliser cet outil.

Important : Cet outil a uniquement pour but de fournir une information supplémentaire qui peut être utilisée en complément d’un entretien. Il ne s'agit pas d’un service psychologique, mais d'information et d'éducation sur les phénomènes psychologiques. Aucune décision clinique ne peut être prise sur la base de cet outil ou sur aucun autre instrument unique.

 

 

L’intelligence émotionnelle est la capacité de comprendre ses émotions, de les exprimer avec précision et de les gérer. Cette aptitude est essentielle pour avoir une vie équilibrée, aussi bien dans le couple qu’en société ou au travail.

L’observation du rôle joué par nos émotions dans la vie quotidienne - de même que les recherches scientifiques menées sur cette question - fait apparaître un curieux paradoxe : les émotions semblent
autant optimiser qu’entraver notre fonctionnement.

Trois exemples en donnent l’illustration : le fait que les émotions augmentent ou réduisent les chances de survie selon les cas ; le fait qu’elles améliorent la prise de décision, mais la perturbent aussi parfois ; et enfin le fait qu’elles jouent un rôle tantôt favorable, tantôt défavorable dans nos relations sociales.

 


Le paradoxe des émotions

 

En ce qui concerne les chances de survie, les émotions ont généralement un rôle positif, préparant l’organisme à faire face à diverses situations.

La peur accélère la détection des menaces environnantes et permet de réagir plus promptement au danger. La colère augmente le tonus musculaire, ce qui aide à se défendre plus efficacement. Toutefois, les émotions diminuent les chances de survie en poussant l’individu à adopter des comportements dangereux. Ainsi, la colère amène à conduire imprudemment ou parfois à être violent, et l’excitation diminue les chances de se protéger avant un rapport sexuel, la honte et la culpabilité peuvent amener à consommer des produits addictifs, la tristesse peut amener à acheter compulsivement, etc.

Sur le deuxième aspect - la prise de décision – le neurologue américain Antonio Damasio a montré que les émotions sont indispensables puisque les gens ayant subi des lésions dans les zones cérébrales sous-tendant les émotions sont le plus souvent incapables de gérer leur argent, leur vie personnelle et professionnelle, ou leurs relations sociales.

Ils conservent leurs facultés de raisonnement et semblent tout à fait normaux, mais sont handicapés dans le domaine de la prise de décision.

De façon générale, la plupart des décisions de la vie quotidienne ne se prennent pas sur une base rationnelle. Il n’y a en effet pas plus de raisons de préférer manger du poulet que du veau. De même, il n’est pas plus « raisonnable » de partir en week-end à la mer plutôt qu’à la campagne. Toutefois nos émotions accélèrent et orientent nos décisions, elles peuvent également les entraver ou les biaiser.

Les étudiants ou les candidats à l’embauche reçus par un professeur ou un recruteur qui a passé une mauvaise journée en savent quelque chose : l’appréciation de leurs connaissances ou de leur compétence sera significativement moins bonne que s’ils avaient été reçus un autre jour.

La façon dont les émotions affectent la prise décision a été largement étudiée, notamment les psychologues Robert Kahneman et Amos Tversky qui ont reçu le prix Nobel d’économie pour avoir montré comment les émotions biaisaient les prises de risques en Bourse. Les acteurs boursiers ont souvent des comportements irrationnels : par exemple, ils ont tendance à conserver trop longtemps les titres qui baissent.

A. Tversky et R. Kahneman ont en partie expliqué ce phénomène en montrant que les émotions négatives causées par une perte financière sont plus intenses que les émotions positives engendrées par le gain de la même somme.

C’est pourquoi il est désagréable à un actionnaire de vendre une action qui baisse : il réalise alors une perte financière - sensation très déplaisante à laquelle il peut échapper tant qu’il diffère la décision de vendre ses actions.

Enfin, le troisième aspect paradoxal des émotions est leur implication dans les relations sociales. Chacun sait qu’elles sont souvent facilitatrices : les émotions de nos interlocuteurs nous communiquent un ensemble d’informations sur leurs besoins.

Si notre conjoint a l’air triste, nous adaptons notre comportement en conséquence et sommes plus attentionnés, plus tendres que d’ordinaire. S’il a l’air en colère, nous différons l’annonce d’une mauvaise nouvelle.

Toutefois, malgré leurs effets facilitateurs, les émotions peuvent également nuire à nos rapports avec autrui. Combien de fois la colère ou la jalousie ne nous conduisent-elles pas à prononcer des paroles que nous regrettons ensuite ? Combien de fois ne reportons-nous pas notre mauvaise humeur sur nos proches ?

Comment concilier, dès lors, les observations et les recherches qui montrent que les émotions ont une fonction adaptative avec celles qui suggèrent que les émotions sont au cœur de nombreux problèmes et désordres psychologiques.

 

L’importance des compétences émotionnelles

 

En réalité, ce qui détermine la qualité de notre fonctionnement, ce ne sont pas tant nos émotions, mais ce que nous en faisons. Et c’est ici qu’interviennent les compétences émotionnelles, que l’on regroupe aussi parfois sous le terme de « Gestion des émotions » ou encore « d’intelligence émotionnelle ».

De quoi s’agit-il ? La Gestion des émotions  regroupe cinq compétences émotionnelles qui s’articulent pour une cohabitation optimale avec les émotions : l’identification des émotions, leur compréhension, leur expression, leur régulation et leur utilisation.

Les compétences émotionnelles optimisent le fonctionnement des êtres humains dans de nombreux domaines, tels que la performance au travail, les relations sociales et la santé. Les études des psychologues James Gross et Ricardo Munoz, de l’Université de Californie à San Francisco, montrent que de bonnes compétences émotionnelles diminuent le risque de développer des troubles psychologiques par exemple, la capacité à réguler ses émotions négatives protège contre la dépression, et une faculté de relativiser ses peurs ou ses angoisses, contre les troubles anxieux.

En outre, le psychologue Paulo Lopes, de l’Université Yale, a montré que la gestion des émotions favorise la qualité des relations sociales. Il a distribué à des étudiants des questionnaires évaluant l’intelligence émotionnelle et les a interrogés sur leur vie sociale, notamment sur les relations d’amitié ou de camaraderie avec d’autres étudiants.

Les étudiants obtenant les meilleurs scores de régulation émotionnelle étaient les plus fréquemment cités par les autres parmi leur cercle d’amis.

La vie conjugale est également influencée par la compétence émotionnelle des époux. La psychologue Nicola Schutte, de l’Université de Nouvelle-Angleterre en Australie, a montré que les personnes les plus satisfaites de leur couple ont généralement un conjoint doué d’une bonne intelligence émotionnelle, qui le rend plus facile et appréciable.

Ces études montrent que la vie sociale, tout comme le couple, repose en partie sur une capacité à tempérer ses élans affectifs. Une personne sachant se maîtriser lorsqu’elle éprouve de la colère ou de la déception est appréciée aussi bien en société qu’en famille.

Des études similaires révèlent que les compétences émotionnelles améliorent la réussite académique et professionnelle. Non seulement les émotions sont un atout dans le domaine vaste et complexe des relations humaines, mais elles protègent contre les maladies, comme l’ont montré de nombreuses études dont celles du psychiatre James Blumenthal, de l’Université de Durham aux Etats-Unis.

Les personnes disposant de bonnes capacités de régulation et de compréhension de leurs émotions sont moins vulnérables au stress, aux maladies cardio-vasculaires, à des maladies telles que l’asthme, le diabète, les maladies gastro-intestinales, voire certains cancers.

En effet, les émotions négatives entraînent une libération d’hormones, tel le cortisol ou l’adrénaline, dont la présence prolongée a des effets négatifs sur le fonctionnement de l’organisme.

Au vu de ces résultats, il n’est pas étonnant que les chercheurs aient trouvé que les compétences émotionnelles favorisaient la longévité. Identifier, comprendre, exprimer, réguler et utiliser ses émotions est possible et présente de multiples avantages.

Il faut le savoir, pour ensuite commencer à prêter plus d’attention à son propre monde émotionnel.

 


1ère étape : Identifier ses émotions

 

Alors que certains individus distinguent aisément s’ils sont tristes, déçus, en colère ou coupables, d’autres ne parviennent pas à distinguer ces différents états et se sentent simplement « bien » ou « mal ». Il est pourtant essentiel de savoir identifier ce que l’on ressent, pour pouvoir gérer cet état émotionnel et ne pas simplement le subir.

Sinon, une angoisse peut naître, sous forme de palpitations, d’une transpiration soudaine et d’une envie de fuir. Si ces symptômes ne sont pas identifiés par la personne concernée, comme ceux de l’anxiété, ils peuvent laisser la victime encore plus désemparée que si la peur avait été identifiée.

Comment reconnaître ses émotions ? Il existe au moins trois voies d’identification : la reconnaissance de ses « pensées – croyances – interprétations », celle de ses tendances à l’action (comportements, réactions, réponses) et celle de ses bouleversements biologiques internes, ou sensations (symptômes physiques).

Prenons l’exemple de la colère ; la reconnaissance de ses « pensées – croyances – interprétations » consistera à examiner quelles pensées dominent actuellement (ou lors de la situation ou de l’évènement) le champ de la conscience. Cela peut être « la vie est injuste, je ne suis pas respecté, je suis nul (le), etc. ».

Ensuite vient l’identification de ses symptômes physiques: « Est-ce que mon cœur bat plus vite, est-ce que je transpire, est-ce que ma gorge se noue », etc.

Le psychologue américain Paul Ekman a montré que la peur, la tristesse et la colère se traduisent par une augmentation du rythme cardiaque, par opposition au dégoût, à la joie ou à la surprise. Mais tandis que peur et colère s’accompagnent d’une augmentation de la sudation, ce n’est pas le cas de la tristesse. La gorge se noue plus spécifiquement dans le cas de la peur... Ainsi, la perception de ses symptômes physiques permet de restreindre le champ des possibles.

En recoupant ces informations avec l’analyse des « pensées – croyances – interprétations », on parvient à identifier ce que l’on ressent (émotions, ressentis, sentiments). En outre, si l’on réussit à prendre un peu de recul par rapport à soi-même pour observer comment on a tendance à réagir sous le coup de l’émotion (tendance à devenir agressif quand on est en colère, par exemple) l’identification de l’émotion se précise rapidement.

Quel bénéfice en retirer ? Lorsqu’un mot est mis sur une émotion, on a plus de moyens d’action et de régulation. Il a ainsi été démontré que le simple fait de mettre par écrit le contenu de ses états émotionnels réduit l’impact négatif qu’ils peuvent avoir sur la santé...

Naturellement, la capacité d’identifier ses émotions est un avantage lorsqu’il s’agit de détecter le sens des émotions d’autrui on sait que la compréhension des émotions d’autrui (appelée aussi Empathie) suppose une reproduction interne de l’état émotionnel chez l’observateur. On identifie l’émotion de l’autre en la reproduisant en miroir.

Cela explique sans doute pourquoi les individus qui savent bien étiqueter le contenu de leur propre expérience émotionnelle réussissent mieux dans leur vie sociale ou en famille : ils savent mieux se contrôler, mais aussi mieux détecter les réactions des autres. Comment adapter ses décisions si l’on ne perçoit pas l’inquiétude, la déception ou l’irritation dans le regard d’autrui ?

 


2ème étape : Comprendre ses émotions

 

L‘émotion identifiée, il s’agit d’en comprendre la cause et les conséquences. Une fois encore, cette compréhension aide à réguler ses émotions.

La compréhension des émotions passe par la notion de besoin de l’être humain. En effet, les émotions s’enracinent dans des besoins qui sont ou ne sont pas satisfaits, et sont déclenchées par des événements ou des situations qui ont un lien plus ou moins ténu avec ces besoins.

Par exemple, la tristesse s’enracine dans un besoin de partage et d’échange non satisfait. Ainsi, un individu peut se sentir triste parce qu’il est seul. Toutefois, l’événement ou la situation qui déclenchent l’émotion en elle- même, celle qui va faire monter les larmes, peut être d’une autre nature.

Cela peut être un film, un morceau de musique, une photo, une odeur ou encore un geste tout à fait banal. Tout à coup, on éclate en sanglots pour une raison apparemment anodine. La cause de cette tristesse n’est ni le film ni le morceau de musique etc., ce ne sont que les déclencheurs d’une émotion qui a une autre cause.

Ainsi, comprendre le sens de cette émotion, c’est évaluer ses besoins et dans quelle mesure ils sont satisfaits ou non. Lorsque, pour une raison ou une autre, une explosion émotive se produit, il faut éviter de l’attribuer au déclencheur le plus proche, le plus évident, mais s’interroger sur les causes profondes de cette manifestation.

Cela peut être le cas avec la tristesse, mais aussi avec la colère. Quand un individu accumule trop de frustration sur le plan professionnel ou personnel, il peut s’énerver pour un rien. C’est aussi le cas de la joie : lorsqu’un chant d’oiseau nous rend heureux, c’est souvent parce qu’il concrétise un état sous-jacent d’épanouissement. Comprendre ses émotions, c’est comprendre en quelque sorte sa relation au monde.

 

 

3ème étape : Exprimer ses émotions

 

Les émotions sont parfois difficiles à exprimer d’une manière socialement acceptable. Bien des gens ne parviennent pas à expliciter ce qu’ils ressentent pour autrui, ou le font d’une façon inadaptée. Il faut d’abord savoir identifier ses émotions, puis les comprendre.

Ces deux étapes réalisées, la difficulté consiste à trouver les bons mots pour rendre compte de ce que l’on ressent, sans que l’affect trouble l’expression.

On peut exprimer ses émotions oralement ou par écrit (par exemple dans un journal intime), et dans la plupart des cas cet exercice est bénéfique. Lorsqu’il s’agit d’émotions négatives, telles la peur ou la colère, l’expression peut être un moyen de réduire l’impact négatif de l’affect. On sait par exemple grâce aux travaux de Matthew Lieberman, de l’Université de Californie, en 2007, que le fait de nommer une émotion exprimée sur un visage diminue l’activité de l’amygdale cérébrale, une zone du cerveau suscitant l’anxiété.

Ainsi, l’expression de l’émotion peut servir à clarifier des situations conflictuelles ou ambiguës. C’est le cas d’un couple dont la femme se fait aborder par un autre homme lors d’une soirée, et qui ne manifeste pas assez clairement son refus. Son conjoint le prend mal, sent la colère monter en lui : retour à la maison, il décide d’exprimer son ressenti en analysant les choses posément, en choisissant des mots précis. Le plus souvent, cette mise à plat désamorce les tensions et permet à l’autre de s’expliquer, voire de s’excuser.


Parler pour se sentir bien

 

Dernier point positif de l’expression des émotions : le partage social des émotions. Il s’agit ici d’une tendance presque universelle à parler de ce que nous ressentons lorsqu’il nous arrive un événement riche en émotions.

Selon le psychologue Bernard Rimé, de l’Université catholique de Louvain en Belgique, quelque 80 % des personnes vivant un épisode émotionnel fort éprouvent le besoin presque irrépressible de s’en confier à autrui.

Les conséquences de ce partage social des émotions sont principalement un resserrement des liens sociaux entre le narrateur et l’auditeur. L’émotion confiée suscite une émotion congruente chez l’auditeur : la communication est facilitée, les personnes se soutiennent et s’apprécient davantage.

L’expression des émotions déteindrait favorablement sur les relations sociales, à tel point qu’une étude des psychologues américaines Nancy Collins et Lynn Miller, de l’Université de Buffalo en 1994, a montré que les personnes livrant des informations intimes à leur sujet sont plus appréciées que celles qui s’en tiennent à des informations classiques.

Les bénéfices d’une bonne expression émotionnelle supposent évidemment un effet inverse en cas d’expression déficiente c’est ce qui se passe chez les personnes qui n’arrivent pas à exprimer correctement leurs émotions, soit qu’elles n’en aient pas l’habitude, soit qu’elles cherchent délibérément à masquer ce qu’elles ressentent par pudeur excessive.

De surcroît, les normes sociales de certaines sociétés ou les usages des milieux professionnels interdisent de faire partager ses émotions. Dans ce cas, il est démontré que l’occultation des émotions a généralement des effets délétères ainsi, le psychologue américain James Gross, de l’Université Sanford, a étudié les paramètres physiologiques (fréquence cardiaque, transpiration) de personnes à qui l’on projetait un film suscitant du dégoût, et qui devaient masquer leur émotion.

Il a constaté que le simple fait de dissimuler l’émotion ressentie entraînait une augmentation des paramètres physiologiques associés, comme si les effets masqués de l’émotion se trouvaient renforcés chez le sujet.

Ce psychologue a constaté que les personnes ayant tendance à dissimuler leurs émotions vivent moins d’émotions positives et font état de plus d’expériences émotionnellement négatives lors d’un échange verbal avec autrui.

D’autres études ont montré que le fait de cacher sa colère entraîne des troubles du sommeil chez les personnes souffrant de maladies coronariennes, et que cette « inhibition émotionnelle (blindage)  » prolongée peut altérer le fonctionnement du système immunitaire...

Savoir mettre des mots sur ce que l’on sent, en parler à ses proches, partager autour de soi le monde intérieur de ses états émotionnels : voilà une composante essentielle des compétences émotionnelles, qui rend la vie plus facile, mieux adaptée au monde social, tout en améliorant la santé.

 


4ème étape : Réguler ses émotions

 

Savoir réguler ses émotions est évidemment une quête éternelle de la philosophie, aujourd’hui reprise par les scientifiques. Il existe de nombreuses méthodes pour garder une forme de maîtrise de ses émotions, dont quelques-unes seulement sont présentées ici.

 

Atténuer ses émotions négatives

 

Comment réduire ses émotions négatives? Parmi les méthodes possibles, citons d’abord la réévaluation cognitive (voir fiche de transformation des émotions) : il s’agit de comprendre que nos émotions négatives ne sont pas causées par une situation, mais plutôt par l’évaluation que nous en faisons.

« Ce n'est pas l'évènement qui nous perturbe mais l'idée que nous nous faisons de l'évènement.» Aristote.

Partant de ce constat, il est possible de modérer l’émotion négative en recherchant une autre évaluation de la situation, une autre façon de l’envisager.

Cette approche impose souvent d’adopter le point de vue d’autrui. Par exemple, si vous avez remis un rapport à votre supérieur hiérarchique et qu’il vous communique une série de critiques, vous pouvez ressentir de la colère, de la déception, de l’angoisse, de la tristesse.

Mais si vous vous faite l’effort d’une réévaluation de la situation, tout cela peut changer. Vous pouvez par exemple vous dire que votre supérieur n’a que très peu de temps, et qu’il se concentre sur les aspects négatifs par souci de rendement, le reste de votre rapport étant supposé bon.

En effet, si 5% du travail laissent à désirer, c’est que 95% sont bons. Vous pouvez aussi vous rappeler que les supérieurs hiérarchiques pensent rarement à insister sur ce qui est satisfaisant.

Normalement, un tel travail de remise en perspective aboutit à un ressenti émotionnel légèrement différent.

Une autre façon de réguler ses émotions négatives est la recherche d’un contact social accru. L’isolement est un facteur important d’émotions négatives, d’angoisse ou de tristesse : dès lors, aller à la rencontre des autres pour partager ce que l’on ressent, pour renforcer des liens sociaux un temps négligé, est un bon réflexe.

Même si l’on se sent parfois enclin au repli sur soi lorsqu’on traverse une phase difficile, il vaut mieux tenter d’opérer un redressement émotionnel positif.

De toute façon, les stratégies de régulation des émotions négatives, qu’il s’agisse de la réévaluation cognitive ou du renforcement du lien social, demandent de l’énergie. Il faut donc donner un peu de soi pour en retirer ensuite davantage.


Renforcer les états émotionnels positifs

 

Dans le domaine des émotions positives, la régulation a aussi son importance. Il s’agit d’accentuer les émotions positives, de les prolonger, ou d’en augmenter la perception. Une fête réussie, la venue d’un ami, un projet enfin finalisé : ces événements provoquent des émotions positives qui, par définition, sont transitoires.

Comment en prolonger l’effet, mieux les savourer? Une première méthode de régulation est la régulation physique : exprimer au maximum, par des gestes, des paroles, des sourires, des intonations, des expressions du visage, la joie ou le bonheur qui vous traversent.

Cette théorie de la régulation physique repose sur le fait que la perception intime d’un sentiment s’enracine en grande partie dans l’expression corporelle associée.

On sait par exemple que les personnes à qui l’on demande expressément de sourire expriment ensuite des émotions plus positives que celles qui adoptent une expression neutre.

Il existe une maladie très rare, le syndrome de Moebius, qui se manifeste par une inertie des muscles du visage, si bien que les patients gardent en permanence une expression neutre. Ces personnes confient ne jamais se sentir réellement tristes ni joyeuses ; tout au plus affirment-elles « penser de façon triste », ou
« penser de façon joyeuse », mais jamais ne se sentent-elles vraiment portées par des états affectifs internes.

Ainsi, se comporter comme si l’on était animé de sentiments positifs peut engendrer une émotion positive. Sans compter qu’à force de sourire, vous serez l’objet de l’attention d’autrui et susciterez des réactions positives.

Une autre stratégie de régulation des émotions positives consiste à en prendre totalement conscience. Concrètement, il s’agit d’abord de repérer les moments de bien-être, pour s’y attarder. Le psychologue américain Fred Bryant, de l’Université de Chicago, a ainsi interrogé des personnes sur leur capacité à prolonger la joie du moment présent, et a constaté que ces personnes étaient moins susceptibles de traverser des épisodes dépressifs ou d’être gagnées par le stress, la culpabilité ou la honte.

Comment s’y prendre ? Les méthodes de méditation d’inspiration bouddhiste, par exemple le mindfulness qui consiste à diriger son attention sur le moment présent et sur ses sensations corporelles, produisent des bénéfices appréciables : moins de problèmes de santé, de stress et d’émotions négatives.

Finalement, il s’agit de saisir le bonheur au vol : rester attentif à ce qui se passe en soi, cueillir les bonnes sensations et les savourer.

 


5ème étape : Utiliser ses émotions

 

Lorsqu’on est « intelligent émotionnellement », on dispose a priori de toutes les armes nécessaires pour faire de ses émotions des alliées, afin de mieux réussir sur le plan professionnel, personnel, et dans ses relations sociales au sens large.

Mais quelle est la bonne façon d’utiliser ses émotions, pour ne pas se laisser piéger par elles ? Comment les maîtriser ?

Car il ne suffit pas de savoir susciter ou prolonger ses émotions positives pour en retirer de réels bénéfices. En effet, les émotions positives sont à double tranchant, car elles conduisent notamment à percevoir et à juger des situations ou des personnes avec plus d’enthousiasme que de raison.

Par exemple, un recruteur venant d’apprendre la naissance de son enfant risque de tout voir positivement dans les heures qui suivent. S’il reçoit à ce moment un candidat, il risque de lui attribuer plus de qualités qu’un candidat de même valeur dont l’entretien aura eu lieu la veille.

Il importe de savoir faire la part des choses, d’être conscient de ces biais possibles, de distinguer ce qui relève d’un jugement objectif et ce qui est influencé par nos émotions. Avertis de ces effets trompeurs, nous sommes plus à même de minimiser les erreurs que les émotions peuvent nous faire commettre, et à retenir plutôt leurs bons côtés.

Par exemple, mettre tout le monde de bonne humeur avant une réunion où l’on veut faire passer un message important, qui sera mieux reçu.

 

 

 

 

Et comme toujours, il n’y a que vous qui pouvez travailler à développer vos propres compétences émotionnelles mais…vous n’êtes pas obligé(e) de la faire seul(e) !

Prenez bien soin de vous et des autres,

 

Olivier Kramarz

 

 

Adapté de M. Mikolajczak, Cerveau & Psycho n°35, sept-oct 2009.
(À lire aussi : Mikolajczak, M., Quoidbach, J., Kotsou, I., Nélis, D., « Les compétences émotionnelles », Dunot, Paris, (2009).)